L’idée de perdre un poumon n’a rien de réjouissant. On aura beau vous dire que c’est le seul moyen de sauver le reste de votre organisme, vous aurez sans doute tendance, si l’on vous recommande un jour une telle opération, à résister un peu ou à tenter de négocier. Les réactions aux annonces faites par Laurent Le Bon, le président du Centre Pompidou, dans le courant de l’année 2023, pour dire que le bâtiment de Renzo Piano et Richard Rogers allait fermer pour d’importants travaux pendant cinq ans peuvent être interprétées de cette manière. La grève qui a mobilisé les personnels, les tribunes et pétitions signées de personnalités du monde de la culture, les doléances formulées au gré des micros-trottoirs par les riverains, commerçants du quartier, amoureux des arts et autres habitués des lieux, étaient autant de tentatives visant à obtenir que cette extraordinaire pompe à énergie urbaine continue de fonctionner, ne serait-ce que partiellement, pendant les travaux.

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La perspective de sa fermeture est d’autant plus difficile à accepter que cette icône de l’architecture du XXe siècle n’a pas encore cinquante ans, que les Parisiens ont encore en mémoire les travaux de la fin des années 1990 qui les avaient déjà privés d’accès aux lieux pendant deux ans, et que la durée prévisionnelle du nouveau chantier paraît quelque peu extravagante.

Tout le problème de l’architecture de la deuxième moitié du XXe siècle (et des décennies suivantes) tient dans ces a priori. Car en réalité, estime Boris Hamzeian, historien de l’architecture et auteur de Centre Pompidou. Le défi du Total Design (Presses universitaires de Saint-Etienne, 2024), « pour un bâtiment de cette époque, cinquante ans c’est déjà assez vieux ». Les matériaux de l’ère moderne sont moins durables que ceux du passé. Mais la structure du Centre Pompidou a été pensée pour s’en accommoder et plus encore pour garantir au bâtiment, comme le président Pompidou l’avait demandé aux jeunes lauréats du concours en 1971, de « durer cinq cents ans ». Cette structure légère, entièrement métallique, à laquelle toute la technique du bâtiment est accrochée, matérialise le principe de flexibilité qui fonde le projet et garantit sa durabilité : la possibilité de remplacer les éléments, de les réagencer à volonté. De fait, depuis son ouverture, en 1977, le lieu n’a cessé se transformer.

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