On les appelle des « mineurs », terme qui fait clignoter : « danger ». Nul d’entre nous, d’ailleurs, ne dirait « J’emmène mon “mineur” chez le médecin », ni « mon “mineur” a été renvoyé du collège ». Non, « mineur » est réservé à certains enfants. Ceux de l’aide sociale à l’enfance (ASE), ceux placés par un juge, ceux qui sont étrangers et isolés, ceux qui commettent des délits, voire des crimes, ceux qui ne sont pas tout à fait d’équerre, ceux qui souffrent de troubles psychiatriques.

Autre caractéristique, ces « mineurs » sont, pour la plupart, issus de milieux pauvres, de famille monoparentale, ils ont très souvent été victimes de (très) mauvais traitements, de violences et vivent dans des quartiers gangrenés par la délinquance. Et environ la moitié des mineurs délinquants ont fait l’objet d’un suivi au titre de l’enfance en danger.

Oui, mais quel suivi ? Tous les juges des enfants s’en désespèrent, leurs décisions d’assistance éducative ou de placement mettent de très longs mois à être exécutées. Ce temps qui s’étire laisse donc des gamins aux prises à une violence familiale connue des autorités censées les protéger. « C’est un calvaire pour eux, a témoigné un magistrat spécialisé lors d’un colloque organisé à Bordeaux en novembre 2024 par des avocats d’enfants, et quand enfin le placement arrive, ils se retrouvent confiés à des foyers ou à des familles d’accueil peu ou mal contrôlés, où ils peuvent subir d’autres violences. » « Le plus épouvantable, ajoutait une intervenante, est de les décevoir après qu’ils nous ont fait confiance. »

Traumatismes déchirants

Comment exiger d’enfants ainsi laissés à l’abandon ou si mal accompagnés une confiance dans un monde adulte qui les trahit ? Comment penser une seconde que ces enfants puissent tenir pour véridique notre glorieux « Liberté, égalité, fraternité » ?

Le constat de ce marasme se retrouve partout. Dans le rapport de la Défenseure des droits en novembre 2024, dans un avis émanant du Conseil économique, social et environnemental, un mois plus tôt, où Josiane Bigot, ancienne juge des enfants, dénonce une protection de l’enfance en grand danger. Ou encore dans l’enquête parlementaire – en cours – sur « les manquements des politiques de protection de l’enfance », présidée par la députée du Parti socialiste Isabelle Santiago, qui, très justement, compare l’Etat à un autre « parent défaillant » pour ces enfants délaissés.

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