C’est une des annonces fortes du discours de politique générale de notre nouveau premier ministre, le 14 janvier 2025. Il faut « débureaucratiser » l’Etat et ses services. La formule n’est pas nouvelle. Elle est assez récurrente, en France comme à l’étranger. Plus que jamais, il faut transformer la fonction publique et nos services publics. En tant que chercheur dans le domaine des sciences organisationnelles, un petit rappel s’impose cependant.

La « bureaucratie » est le fruit d’une histoire longue, à bien distinguer de celle de l’« administration » et du « management ». Pour les pays occidentaux, l’idée d’associer l’activité collective à des règles formelles est très ancienne. Elle remonte notamment aux ordres monastiques qui, parmi les premiers, ont fixé un ensemble de principes formels auxquels devaient se conformer les membres de la « communauté ».

On oublie d’ailleurs souvent une partie de l’histoire étymologique du mot « bureau ». Il vient du vieux français « burel » ou « bure » (burrelum). Cette étoffe grossière était celle portée par les moines (on parle de « robe de bure »). Au cours du Moyen Age, ce tissu modeste a été également de plus en plus utilisé afin de recouvrir les tables. L’intérêt était à la fois de les protéger (de l’encre ou de la nourriture), de les masquer et d’atténuer le bruit des pièces (pour les changeurs de monnaie).

A l’époque médiévale, il y a une proximité forte entre la fonction et tout ce qui peut l’incarner. Les lettrés sont souvent des religieux. Il s’agit de moines ou de prêtres donnant une partie de leur temps au temporel. La bure sur la table et la bure de ceux qui s’attablent pour un labeur de plus en plus économique et culturel, sont en continuité. Et progressivement, le fonctionnement du bureau et de ce et ceux qui l’incarnent, devient un pouvoir institutionnalisé, une « bureau-cratie ».

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A la suite des ordres religieux, les guildes et les corporations ont constitué des proto-bureaucraties assez systématiquement présentes dans les pays européens. Amenée avec la modernité, la bureaucratie est ensuite devenue le cœur de l’appareil étatique et des organisations en général. Comme l’a bien montré le sociologue allemand Max Weber (1864-1920), cela est indissociable de nouveaux modes de légitimation des autorités.

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