Le Franco-Tunisien Elyès Jouini, professeur de mathématiques à l’université Paris-Dauphine, directeur de la chaire Unesco Femmes et science, revient sur les grands écarts observés, selon les pays, dans l’orientation des femmes et des hommes vers les sciences.

La part des femmes qui s’orientent vers les métiers scientifiques est-elle la même partout dans le monde ?

Que ce soit en matière de performance scientifique ou de choix de filières, la situation est très variable. Il y a certains pays où les filles réussissent mieux en sciences, et d’autres où elles se dirigent davantage vers les métiers scientifiques, et ce ne sont d’ailleurs pas forcément les mêmes. Pour prendre le critère de l’orientation, les écarts peuvent être immenses : par exemple, en Corée du Sud, on trouve seulement 25 % de femmes dans les filières scientifiques de l’enseignement supérieur, en Tunisie c’est 55 %, et environ 32 % en France – proche de la moyenne mondiale. La France ne fait donc pas partie des bons élèves en la matière.

Vous montrez que plus les pays mettent en œuvre des politiques d’égalité dans le monde du travail, plus les femmes sont sous-représentées dans les filières scientifiques. C’est plutôt contre-intuitif ?

C’est ce qu’on a appelé le « paradoxe de l’égalité » : ce sont dans les pays les plus développés et égalitaires que l’orientation des femmes vers les sciences est la plus faible. Dans les pays champions de l’égalité, comme les pays nordiques – où les femmes sont très présentes à des postes de direction et sont visibles en politique –, la discrimination qui se faisait de manière verticale, avec des plafonds de verre, revient de façon pernicieuse, à partir des systèmes de représentation.

Les stéréotypes sont plus forts dans ces sociétés : les femmes peuvent entrer dans de meilleures conditions sur le marché du travail, mais est véhiculée l’idée qu’il y aurait des métiers pour femmes et d’autres pour hommes – avec l’un des secteurs les plus rémunérateurs, la science, devenant une chasse gardée masculine.

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