Interrogé à la mi-novembre par la chaîne Fox News sur la composition de la future administration Trump, le sénateur républicain Roger Marshall répondit dans un sourire : « Trump a été élu pour mettre [Washington] sens dessus dessous. »

On ne pouvait mieux dire, au sens propre comme au figuré. La rhétorique débridée de Donald Trump et de ses plus fervents partisans fait écho aux rites et traditions carnavalesques que des historiens de l’époque moderne comme Natalie Zemon Davis et Emmanuel Le Roy Ladurie ont exhumé des archives françaises ces cinquante dernières années. Ces rites de renversement aident à mieux déchiffrer la vie politique actuelle des Etats-Unis. Par-delà les ressemblances saisissantes entre ce passé et notre présent, il existe une différence de taille laissant présager ce qui nous attend.

La vie des Européens du Moyen Age et de la Renaissance était ponctuée de fêtes, dont le carnaval, qui se succédaient au gré des saisons ou des besoins de la collectivité. La période de Noël, par exemple, était l’occasion de festoyer en famille, mais aussi de célébrer la Fête des fous. A cette occasion, ce n’était pas un haut dignitaire de l’Eglise qui dirigeait l’office liturgique, mais un jeune clerc placé à la tête d’un clergé qui faisait et disait les choses les plus grotesques. « Ils dansent dans le chœur travestis en femmes, chantent des chansons obscènes, encensent avec le cuir fétide de vieilles savates, sautent et courent dans l’église, gesticulent et tiennent des propos impudiques », s’insurgeait, au début du XVsiècle, la faculté de théologie de l’université de Paris.

Soupape de sécurité

D’autres divertissements étaient organisés à Paris et ailleurs en France par des groupes informels, des corporations de métiers ou des associations connues sous le nom de « sociétés joyeuses » ou « sociétés des sots ». Natalie Zemon Davis, qui les désigne sous le terme d’« abbayes de Maugouvert [mauvais gouvernement] », avait repéré l’existence, à Rouen, d’une de ces confréries joyeuses : l’Abbaye des conards.

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