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Le récent rapport public annuel de la Cour des comptes [publié le 19 mars] consacré aux politiques de jeunesse dresse un constat que connaissent bien les éducateurs : des dispositifs épars, peu lisibles, fragmentés, plus en rapport avec l’organisation des administrations qu’avec les besoins des jeunes. Passé ce constat, les orientations de la Cour reproduisent malheureusement les impasses dans lesquelles le débat éducatif s’enferme depuis trop longtemps.
La première, c’est l’idée que les politiques de jeunesse doivent cibler des publics spécifiques. Les magistrats visent l’apprentissage, dont les effectifs ont triplé depuis 2018, pour un coût total estimé à près de 20 milliards d’euros par an pour les finances publiques. Cet essor concerne surtout les étudiants en alternance, dont certains économistes estiment que les besoins d’accompagnement vers l’emploi sont peu avérés. La Cour recommande donc de recentrer l’effort sur les niveaux de formation inférieurs au baccalauréat.
Cette vision oppose caricaturalement les diplômés pour qui tout irait bien et les « décrocheurs », sur lesquels il serait nécessaire de concentrer l’effort public. Très répandu dans la littérature administrative, ce dualisme correspond pourtant peu à la réalité d’une jeunesse dont les difficultés ne sont pas assimilables à celles d’une classe sociale. Tous les jeunes sont fragiles et forts à la fois, simultanément, et c’est même ce qui caractérise cet âge transitoire – le mot est d’importance – que constitue la jeunesse. En s’attachant à répondre trop spécifiquement à des vulnérabilités appréhendées par des critères formels alors que la situation d’un jeune change constamment, on crée fatalement des trappes à jeunesse qui sont autant de trappes à pauvreté.
Course aux diplômes
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