Le premier jour, certains sont d’abord marqués par une absence : celle d’une poignée sur la porte. D’autres avisent le grillage sur la fenêtre, qui empêche même le regard de s’évader. Lorsqu’il est arrivé au centre pénitentiaire de Fresnes, en mai 2022, Hatem (le prénom a été modifié), lui, a été frappé par le bruit. Le bruit de son codétenu, qui écoutait du rap toute la journée. Le bruit de ses voisins, qui se parlaient en criant d’une cellule à l’autre ou frappaient sur leurs portes pour appeler un surveillant. Le bruit des clés et des loquets, dont le « clac clac » en fin de journée lui faisait comprendre qu’il était enfermé dans un tête-à-tête avec ses idées noires jusqu’au petit matin. A 34 ans, il mettait pour la première fois les pieds en prison.

Très vite, Hatem a compris que Fresnes n’est pas une prison comme les autres, et que « la chose qui tape le plus sur le système », là-bas, ce n’est pas le bruit, mais l’insalubrité. L’invasion des punaises de lit lui était si insupportable qu’il essayait de dormir sur une chaise. Il respirait mal, à cause, croit-il, des moisissures maculant le mur de sa cellule. Les rats, vivants ou morts, étaient omniprésents dans les cours de promenade, ces « box à chevaux » de 45 mètres carrés, où peuvent s’entasser une vingtaine de détenus. A Fresnes, les rongeurs sont rois, repus des détritus jetés depuis les cellules. Fin 2023, un prisonnier a été hospitalisé dans un état grave après avoir contracté la leptospirose, la « maladie des rats », transmise par leurs urines.

Hatem, de toute façon, est peu sorti en promenade au cours de ses vingt-sept mois de détention. Il ne supportait pas les discussions « au ras du bitume » de ses compagnons sur leurs trafics ou leurs coupes de cheveux. Un bouillon d’ennui, parfois animé par une bagarre ou l’arrivée d’un petit nouveau, aussitôt passé à la question : « T’es là pour quoi ? » Il ne dira pas pourquoi il a lui-même échoué en maison d’arrêt, lieu dévolu aux détentions provisoires et aux courtes peines. Le jeune homme, barbe bien taillée et montre de sport au poignet, ne veut pas prendre le risque d’être reconnu. Il est encore sous contrôle judiciaire, dans le sud de la France.

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