A l’Assemblée nationale, à Paris, le 22 octobre 2025.

L’Assemblée nationale a rejeté, mercredi 22 octobre, dès l’ouverture des débats, une proposition de loi de report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, une tactique du camp gouvernemental pour répondre à un « barrage » d’amendements assumé par LFI, qui y voit le premier pas vers une réforme institutionnelle de l’archipel.

La motion de rejet, déposée par deux députés du groupe macroniste, a été adoptée par 257 voix contre 105, avec les voix du camp gouvernemental et de l’alliance RN-UDR. La proposition de loi, déjà adoptée au Sénat, ira vers une commission mixte paritaire entre députés et sénateurs avant un dernier vote dans chaque chambre.

Cette proposition de loi organique vise à reporter des élections provinciales cruciales pour la composition du Congrès et du gouvernement de l’archipel. Programmée d’ici au 30 novembre, la version sénatoriale prévoit de les décaler au 28 juin 2026 « au plus tard ».

Soutenue par le gouvernement, la loi serait un premier pas dans la difficile réforme institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, qui, à ce stade, doit passer par un accord signé à Bougival, cet été, entre l’Etat et les délégations indépendantistes et non indépendantistes. Il prévoit notamment la création d’un « Etat de la Nouvelle-Calédonie » inscrit dans la Constitution et la reconnaissance d’une nationalité calédonienne, et nécessitera un projet de loi constitutionnelle, déposé en conseil des ministres à la mi-octobre.

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« Barrage parlementaire »

Mais il prévoit également d’élargir le corps électoral des élections locales. Actuellement, seuls certains habitants peuvent voter, notamment ceux établis sur le territoire avant 1998 et leurs descendants, ce qui ulcère le camp loyaliste. C’est en partie au nom de ce « dégel » que les partisans du texte prônent le report des élections provinciales.

Certains opposants estiment que le gouvernement veut s’appuyer dessus pour paver la voie de l’accord de Bougival, alors que ce dernier a été rejeté depuis sa signature par le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), principale coalition indépendantiste.

« Le texte va désormais suivre son cours. Ma boussole est la même : construire dans l’écoute et le respect. Mon objectif n’a pas changé : donner une chance au dialogue pour construire l’avenir de la Nouvelle-Calédonie », a réagi la ministre des outre-mer, Naïma Moutchou, qui se rendra « très bientôt » en Nouvelle-Calédonie.

« Vous faites porter aux parlementaires la responsabilité d’une proposition de loi (…) pour permettre la mise en œuvre du projet d’accord Bougival », avait critiqué auparavant le député indépendantiste Emmanuel Tjibaou.

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La réforme constitutionnelle a « déjà été présentée en conseil des ministres. Qui peut croire qu’il y a le temps et la volonté politique de discuter », a lancé Bastien Lachaud (LFI). Des députés de son groupe ont déposé quelque 1 600 amendements, assumant un « barrage parlementaire ».

« Réponse politique »

En réponse, deux députés du groupe macroniste, Vincent Caure et Nicolas Metzdorf, ont fait adopter une motion de rejet du texte, qu’ils soutiennent pourtant. Ce qui permet de le renvoyer immédiatement vers une commission mixte paritaire (CMP) réunissant sept députés et sept sénateurs, sans passer par les 1 600 amendements à l’Assemblée. Cette CMP se tiendra lundi 27 octobre, à 16 h 30, selon une source au sein de l’exécutif, avant un dernier vote nécessaire dans chaque chambre, probablement mardi à l’Assemblée et mercredi au Sénat.

C’est « une réponse politique à une démarche politique » visant à « torpiller le débat », a lancé le rapporteur Philippe Gosselin (LR) aux « insoumis ». Le leader de LFI, Jean-Luc Mélenchon, a, lui, accusé « Macronie et PS » de « tourn[er] le dos aux indépendantistes kanak ».

Le camp gouvernemental a voté pour la motion forçant l’avancée du texte, tout comme le Rassemblement national (RN) et son allié de l’Union des droites pour la République (UDR), même s’ils sont opposés au report des élections. Cela « ne répond ni aux besoins du territoire ni à l’exigence de légitimité démocratique », a argué Yoann Gillet (RN). Les socialistes, qui soutiennent le report, n’ont pas voté la motion.

Les débats, parfois tendus, se sont faits silencieux lors d’une intervention de Nicolas Metzdorf. « On était deux à Bougival dans cette salle », a-t-il dit en rendant hommage à son collègue indépendantiste Emmanuel Tjibaou. « Rien ne se fera les uns sans les autres. Il y a 50 % d’indépendantistes, 50 % de non-indépendantistes », a-t-il lancé.

Philippe Gosselin a rappelé, de son côté, que « le mouvement indépendantiste est divisé sur le sujet ». Signataire de l’accord de Bougival, l’Union nationale pour l’indépendance avait appelé, mardi, les députés à « voter en faveur du report des élections provinciales » en « soutien au compromis, à la responsabilité et à la paix ».

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Le Monde avec AFP

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