Les spécialistes en neurologie cognitive nous ont appris que notre cerveau « fait l’autruche » et que nous faisons tout pour chasser de notre esprit les représentations d’événements dramatiques passés ou à venir. Nous sommes aidés dans cette fonction d’oubli par les médias : par nature, ils font se succéder les informations, les anciennes étant effacées à mesure que de nouvelles surviennent, sans compter le rôle des réseaux sociaux, du zapping, de la publicité ou des émissions de divertissement, qui accentuent ce processus.

Et pourtant, nous avons l’obligation morale et politique de tirer les enseignements des catastrophes climatiques qui se succèdent désormais à une fréquence de plus en plus élevée. La dernière en date survenue en Europe, le déluge qui a ôté la vie à plus de 200 personnes et a détruit la plus grande partie de l’économie de la région espagnole de Valence, devrait faire l’objet non seulement d’une enquête – prévue –, mais aussi d’une véritable réflexion collective, en Espagne et ailleurs. La mode est au « retour d’expérience » : dans le cas de Valence, il s’impose. Organisé dans tous les pays et sous la forme de forums de réflexion incluant la participation des citoyens, il pourrait jouer un rôle capital. Ces forums pourraient se saisir d’au moins trois éléments.

Reportage | Article réservé à nos abonnés A Valence, après les inondations, l’impossible retour à la normale : « A part les volontaires, personne ne nous a aidés »

Le premier concerne le rôle des services publics. On pourrait essayer de comprendre pourquoi les services d’urgences ont été supprimés par les autorités régionales, auxquelles cette compétence avait été transférée. Il est aujourd’hui de bon ton de remettre en cause le poids insupportable des impôts et des dépenses publiques, et de souligner l’inutilité ou la boursouflure des services publics, même quand ils sont chargés de la gestion de la forêt, de la biodiversité, de la météorologie… Il est aussi à la mode d’avoir « la haine des fonctionnaires », comme le livre du même nom de Julie Gervais, Claire Lemercier et Willy Pelletier le met en évidence (Amsterdam, 260 pages, 18 euros). Et pourtant, le rôle de la puissance publique est essentiel pour prévenir et prendre en charge, en dernier ressort, les catastrophes, ce dont les assurances sont incapables. Nous avons besoin de services publics forts, présents partout sur les territoires : les forums pourraient permettre de renforcer le consentement à l’impôt.

Pertes « inestimables »

Cela nous amène au deuxième élément qui mérite réflexion. Le président de la région autonome de Valence a demandé au gouvernement 31 milliards d’euros d’aides : l’équivalent du produit intérieur brut annuel régional ! Une somme non seulement colossale mais qui, de surcroît, ne parviendra jamais à compenser des pertes humaines et économiques « inestimables ». Une somme dont l’énormité permet de comprendre le caractère irréaliste de la plupart des prévisions des économistes. Ces forums pourraient être l’occasion de réexaminer celles-ci et de réfléchir à la façon dont elles ont alimenté l’optimisme béat des gouvernements, des responsables politiques et des citoyens.

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