Le rapport Draghi semble enfin avoir sorti l’Europe de sa torpeur : la prospérité de notre continent et son influence dans le monde sont en danger. Nos atouts formidables, notre recherche de premier plan, nos talents enviés partout, nos fleurons industriels traditionnels ne suffisent plus. L’Europe est devenue une belle endormie parce qu’elle a choisi de se détourner des industries du futur : songeons que nous investissons cinq fois moins que les Américains dans le high-tech. Il s’agit bien d’un choix délibéré, et qui plus est d’un choix rationnel. Les entreprises européennes sont littéralement forcées de se limiter à des activités peu risquées, au mieux à faire de l’innovation marginale, à améliorer à la marge des produits éprouvés. Pourquoi ?
La grande caractéristique de l’innovation fondamentale, disruptive, c’est qu’elle connaît des taux d’échec élevés, très élevés − proches de 80 %, au mieux. Imaginez-vous en compétition dans une course sportive sur un terrain très accidenté où vous tombez tous les dix mètres. La seule solution pour faire partie du peloton de tête, c’est de se relever très vite. C’est la même chose pour les entreprises innovantes : il faut pouvoir corriger très vite les projets qui ne marchent pas, faire preuve d’agilité, à la fois en temps d’exécution mais aussi en termes de coûts. Si le coût de l’échec est trop élevé, la logique financière est impitoyable : les projets ne sont plus rentables et les investisseurs s’en détournent.
Or l’innovation européenne est asphyxiée précisément parce que restructurer un business est aujourd’hui trop cher, en fait plus cher qu’aux États-Unis par un facteur dix. Il n’y a qu’à interroger en aparté les (rares) patrons des grandes boîtes de tech européennes. Une étude récente, dont les conclusions ont été reprises par le rapport Draghi et le Competitiveness Compass de la Commission européenne, confirme cette tendance à partir de données pour la plupart publiques.
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