C’est une réalité incontestable : des mineurs de plus en plus jeunes et de plus en plus souvent armés commettent des actes hyperviolents, parfois mortels. Le meurtre d’Elias, 14 ans, tué à coups de couteau à Paris le 24 janvier pour avoir refusé de donner son portable à deux autres mineurs, a suscité une émotion compréhensible. Utilisés comme tueurs à gages par des narcotrafiquants, d’autres adolescents se rendent coupables de véritables assassinats ciblés. Répondre à cette réalité nouvelle, insupportable, relève de l’action des élus politiques. Encore faut-il que ceux-ci actionnent les leviers pertinents et ne se contentent pas de vains coups de menton surtout destinés à donner aux électeurs l’impression qu’ils agissent.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés L’offensive médiatique de Bruno Retailleau et Gérald Darmanin pour réclamer une justice plus sévère à l’encontre des mineurs

Un fort soupçon de cet ordre entoure la proposition de loi visant à « restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents » portée par l’ancien premier ministre Gabriel Attal, que les députés ont commencé à examiner mercredi 12 février. Initialement destiné à répondre aux émeutes de l’été 2023, le texte a évolué vers une réforme de la justice des mineurs… réformant le code de la justice pénale des mineurs élaboré par Nicole Belloubet et adopté en 2021.

Mesures phares du nouveau texte, la possibilité d’une comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans et la fin de l’automaticité de l’« excuse de minorité » mettent à bas le grand principe en vigueur depuis 1945 et scellé dans la Convention internationale des droits de l’enfant : on ne juge pas de la même façon les majeurs et les mineurs, ces derniers relevant en priorité de mesures éducatives. Un principe qu’il convient de défendre avec force. Qui, au pays de Victor Hugo, peut encore soutenir, comme le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, que la prison a un rôle « éducatif » ?

En outre, la proposition de loi contredit frontalement l’ample réforme Belloubet adoptée il y a moins de quatre ans. Pour accélérer la réponse pénale à la délinquance des mineurs, celle-ci a enserré dans un délai de trois mois l’audience statuant sur la culpabilité du jeune, en la distinguant de la décision sur la peine infligée, prise six à neuf mois plus tard, le temps de mettre en place des mesures de suivi éducatives. Une procédure en deux temps critiquée en raison du risque de récidive dans l’intervalle.

Bataille pour 2027

Alors que cette réforme a fait l’objet d’une évaluation parlementaire bipartisane positive, alors qu’elle prévoit la possibilité, dans les cas graves, d’une audience unique statuant en même temps sur la culpabilité et la sanction, la voilà chamboulée. Quant au « sentiment d’impunité » attribué à « une partie de notre jeunesse » par M. Retailleau, il est relativisé par la lourdeur de plus en plus marquée des peines infligées et par la hausse récente du nombre de mineurs incarcérés.

Engagés dans une bataille en vue de la présidentielle de 2027, les principaux acteurs de ce débat − MM. Attal, Retailleau et Darmanin − font assaut de fermeté sur un sujet qui mériterait un traitement de long terme ne faisant pas des tragédies de l’actualité l’alpha et l’oméga d’une politique. Il s’agit, certes, d’attribuer des moyens supplémentaires à la protection judiciaire de la jeunesse, mais aussi de tirer les leçons de la précédente réforme de la procédure avant d’en adopter une autre. Le « retour de l’autorité » passe d’abord par la mise en œuvre effective, systématique, des décisions de justice visant un sérieux suivi socio-éducatif des jeunes.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés A Rennes, « le temps » au cœur du travail des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse

Le Monde

Réutiliser ce contenu
Share.
Exit mobile version