Neuf passeurs kurdes et afghans ont été condamnés, lundi 30 juin, à Lille, à sept et huit ans de prison pour un naufrage qui avait coûté la vie à huit candidats à l’exil dans la Manche en décembre 2022. Trois des prévenus, dont un Afghan en fuite jugé par défaut et désigné par les autres comme le cerveau de toute l’organisation, ont été condamnés à huit ans de prison. Les six autres ont été condamnés à sept ans de prison.

Le tribunal est allé un peu plus loin que ce qu’avait demandé le parquet, qui avait requis des peines comprises entre six et huit ans de prison. Ces peines ont été assorties d’amendes individuelles allant de 50 000 à 100 000 euros et d’une interdiction du territoire français pour chacun, à l’issue de leur détention.

Les prévenus, sept Afghans et deux Kurdes irakiens, étaient jugés pour « traite d’êtres humains »« homicide involontaire », mise en danger d’autrui, ou encore aide au séjour irrégulier. Le tribunal correctionnel de Lille a dit les avoir condamnés en tenant compte de la « gravité des faits » et du « caractère particulier » du contexte de ce naufrage, relevant également que tous les prévenus avaient continué leurs activités illégales après ce désastre.

Un corps non identifié découvert sur la plage de Sangatte, le lendemain de la mort de 27 migrants dont le canot pneumatique s’est dégonflé alors qu’ils tentaient de traverser la Manche, à Sangatte, le 5 novembre 2021.

Ce naufrage est l’un des plus meurtriers survenus ces dernières années dans la Manche, après celui qui avait fait 27 morts le 24 novembre 2021 au large de Calais, une affaire qui n’a pas encore été jugée. Un autre naufrage avait provoqué la mort de 12 personnes en septembre 2024. L’embarcation clandestine surchargée avait pris la mer à Ambleteuse, dans le Pas-de-Calais, dans la nuit du 13 au 14 décembre 2022, en dépit d’une mer très agitée et glaciale et des craintes de passagers qui ont entendu une détonation, synonyme de crevaison, en gonflant ce canot pneumatique.

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Un « trafic extrêmement lucratif »

Durant le procès, qui s’est tenu du 16 au 20 juin devant la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lille, l’un des prévenus avait reconnu avoir convoyé, sous la menace, selon lui, des migrants depuis le camp de Loon-Plage, près de Dunkerque. Un autre était mis en cause pour avoir apporté le moteur du bateau. Deux frères afghans ont été condamnés chacun à sept ans de prison et 100 000 euros d’amende pour avoir été les financiers occultes de ce réseau de passeurs.

Le pilote du bateau, un mineur sénégalais, a été condamné à neuf ans de prison récemment en Grande-Bretagne, selon le parquet. Un dixième membre présumé de ce réseau de passeurs, détenu en Belgique, sera jugé ultérieurement. Durant le procès, la procureure avait souligné le « trafic extrêmement lucratif » de cette « organisation criminelle », avec un paiement moyen de 3 500 euros par passager. Elle avait aussi relevé les conditions à haut risque pour un bateau « complètement inadapté à la navigation en haute mer ».

Après une ou deux heures de traversée, un boudin a commencé à se dégonfler et l’eau à entrer dans l’embarcation. Paniqués, les passagers ont fait ployer le fond du canot et tous se sont retrouvés à l’eau, certains sans gilet de sauvetage, dans une mer à 10 °C-11 °C. Quatre ont été portés disparus, et quatre autres sont morts, dont un seul a été identifié, un Afghan.

En outre, 39 personnes originaires d’Afghanistan, d’Inde ou d’Albanie avaient été repêchées in extremis par les secours français et anglais. La plupart des prévenus sont restés impassibles, lundi, à l’énoncé de leur condamnation, dont ils ont pris connaissance par le biais des interprètes. Ils ont dix jours pour faire appel.

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Le Monde avec AFP

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