La ville de Nikopol est bombardée quasiment quotidiennement et a perdu la moitié de sa population. Mais cela n’empêche pas Centravis, une fabrique de tubes métalliques de continuer à fonctionner et à exporter. franceinfo a pu visiter ce site, leader mondial du secteur.
“C’est ici qu’est tombée la roquette la plus grosse, calibre 203 millimètres. Vous voyez, on a rebouché le toit, mais tout autour, on voit encore les traces d’éclats d’obus, il a fallu réparer tout ça”, raconte Andriy Krassiuk, le directeur de la production chez Centravis, une usine qui fabrique des tubes de métal, à Nikopol, dans la région de Dnipro, au sud de l’Ukraine. Depuis le début de l’invasion russe, la production a baissé de 40% dans ce site, leader mondial du secteur.
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“On ne fonctionne pas à plein régime parce qu’il nous manque l’équivalent d’une équipe, 127 salariés sont partis au front. Et des dizaines d’employées femmes se sont réfugiées à l’étranger”, ajoute-t-il. Il faut dire qu’à Nikopol, ville de près de 100 000 habitants, les obus d’artillerie russes tombent chaque jour, tirés depuis l’autre rive occupée du fleuve Dnipro. De l’autre côté, la centrale nucléaire de Zaporijjia, tombée aux mains des forces russes, nous fait face.
Pas moins de trois alertes aériennes retentissent pendant notre visite de l’usine. Les salariés ne se ruent plus, depuis longtemps, vers les abris en sac de sable disposés entre les machines. La guerre a aussi obligé l’entreprise – qui exporte sur tous les continents – à revoir ses chaînes d’approvisionnement et d’exportation.
Plus question, bien sûr, de travailler avec les anciens clients russes, explique Alexandre Joseph, le directeur financier français de Centravis : “Avant la guerre, on vendait en Russie, notamment l’industrie des centrales nucléaires russes. Aujourd’hui, on ne peut pas finir plusieurs projets parce qu’on ne vend plus les tubes et on n’a plus aucune relation avec la Russie depuis le 24 février”.
“Depuis janvier, tout va bien”
Cet hiver, l’usine a dû tourner avec moitié moins d’électricité que ce dont elle a besoin d’ordinaire. Mais depuis, les indicateurs sont revenus au vert, assure Alexandre Joseph : “Depuis janvier, tout va bien. Les résultats 2022 sont très bons, on a augmenté notre résultat opérationnel d’à peu près 50%”. Mais l’important, au final, pour Nadiya Boiko, épouse, fille et petite fille d’ouvriers de Centravis, c’est que le site continue de fonctionner malgré la menace russe omniprésente : “Les Russes nous bombardent chaque jour, chaque nuit, mais on comprend que si l’usine n’existe plus alors la ville n’existe plus et il serait plus difficile de la rénover après la guerre, que de la maintenir en vie pendant”.
Nadiya doit d’ailleurs accoucher dans quelques semaines : elle compte bien le faire ici, dans sa ville de Nikopol désertée par la moitié de sa population.
Le reportage de Camille Magnard et Laurent Macchietti
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