
Pour elles, c’est un morceau de l’histoire du féminisme qui s’apprête à fermer ses portes. Des centaines de personnes se sont mobilisées, jeudi 30 octobre aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, pour protester contre la fermeture imminente de la maternité, l’une des premières en France à pratiquer des méthodes d’« accouchement sans douleur » venues d’URSS.
« Le but de la maternité des Lilas était qu’une femme soit plus forte en sortant qu’en y entrant », a résumé au micro une sage-femme retraitée de l’établissement, Chantal Birman, 75 ans, en ouvrant un meeting de soirée dans un gymnase de la ville.
Créée en 1964 par une comtesse fortunée, Colette de Charnière, la clinique était aussi devenue un lieu d’accueil pour les femmes et médecins militant pour la libéralisation de la contraception et de l’avortement, pratiqué clandestinement entre ses murs, avant la loi Veil de 1975. En sursis pour raisons financières depuis des années, cet établissement privé à but non lucratif va définitivement fermer ses portes vendredi soir.
« Il n’y a pas assez de lieux comme ça »
Massés devant sa façade, les manifestants ont d’abord écouté chanter des dizaines de membres de l’équipe en blouses violettes, massés sur les escaliers extérieurs, qui entonnaient : « Nous sommes venus vous dire que nous partons et nos larmes n’y pourront rien changer. » Dans la rue, quatre féministes des Femen arboraient des messages sur leur poitrine nue, dont « Politiques hypocrites, clinique historique ».
La petite structure, à un kilomètre à l’est d’une porte de Paris, compte quatre salles de naissance ainsi qu’un centre d’interruption volontaire de grossesse. Pour Suewellyne, 39 ans, donnant le sein à son bébé de 5 mois né aux Lilas, « il n’y a pas assez de lieux comme ça, où c’est l’humain qui prime. Oui, les locaux étaient désuets, mais humainement les sages-femmes compensaient tout, car elles écoutaient vraiment, se concertaient vraiment ».
« Plus vous aidez les femmes à bien vivre ce qu’elles ont à vivre – en amont, pendant et après l’accouchement – moins vous aurez de jeunes mères qui feront des dépressions profondes ensuite, pouvant conduire au suicide, première cause de mortalité des femmes dans l’année suivant une naissance », a aussi insisté Chantal Birman.
La clinique aura dû lutter pour sa survie depuis 2012. « Un terrain avait été réservé pour une reconstruction de l’établissement ailleurs il y a dix ans déjà », mais « l’Etat n’a pas tenu ses engagements », a déploré le maire des Lilas, Lionel Benharous (Parti socialiste). Cette fois, la fermeture est entérinée, « la maternité ayant d’abord perdu sa certification par la Haute Autorité de santé » et le gestionnaire ne parvenant plus « à assurer la soutenabilité financière de l’activité », selon l’agence régionale de santé. La ministre de la santé, Stéphanie Rist, a fait valoir jeudi sur Francinfo qu’un centre pour la santé des femmes remplacerait la maternité, avec « une prise en charge avant et après l’accouchement », mais pas au moment même de l’accouchement.




