Quand un enfant de parents divorcés cause des dommages à des tiers, qui doit indemniser ces derniers ? Depuis le 20 janvier 2000 (98-14.479), la Cour de cassation jugeait que même si les deux parents étaient titulaires de l’autorité parentale, seul celui chez lequel un magistrat avait fixé la « résidence habituelle » du mineur, soit dans 75 % des cas la mère, était responsable civilement.

Cette jurisprudence était très critiquée par la doctrine, parce qu’elle consacrait une inégalité entre les parents et qu’elle constituait une sorte de « prime à l’absence » pour celui qui se désengage. Après les émeutes de l’été 2023, la première ministre Elisabeth Borne avait d’ailleurs souhaité que « les deux parents, qu’ils soient séparés ou non, qu’ils vivent avec leur enfant ou non, soient responsables financièrement des dommages causés » par leurs enfants mineurs.

Cette jurisprudence résultait de l’interprétation que la Cour faisait du code civil (article 1242-4), au terme duquel « le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ». Le 28 juin (2024, 22-84.760), elle l’a modifiée, de façon à impliquer aussi l’autre parent, qui ne dispose que d’un « droit de visite et d’hébergement », à l’occasion de l’affaire suivante.

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Au cours de l’été 2017, AX, 14 ans, « fasciné par le feu », provoque dix-sept incendies sur la commune d’Aubagne (Bouches-du-Rhône). Les dégâts sont évalués à plus de 3 millions d’euros, le service départemental d’incendie et de secours, qui a mobilisé ses Canadair, en réclamant déjà 2,5 millions, et la SNCF, dont 4 000 passagers ont été bloqués, le 19 août, 500 000. Or, l’assurance de la mère d’AX, Mme Y, chez qui la résidence de celui-ci était fixée, est plafonnée à 1 million d’euros.

Trois millions d’euros

Le 21 septembre 2020, le tribunal pour enfants de Marseille décide de ne pas respecter la jurisprudence, qui ferait peser sur la mère et AX une « charge inéquitable ». Il déclare les deux parents civilement responsables, au motif que, dans les faits, X vivait « entre la résidence de sa mère et celle de ses grands-parents », et qu’il avait été « chez son père avant et pendant les crimes ».

Le père, M. X, fait appel. Il rappelle qu’aux termes de la jurisprudence, le parent qui n’a qu’un « droit de visite et d’hébergement » ne peut, sans faute de sa part, voir sa responsabilité engagée. Or, fait-il valoir, il n’a commis aucune faute : il habite à Marseille, et A a allumé les feux à Aubagne, pendant qu’il était sous la garde de sa mère. La cour d’appel d’Aix-en-Provence infirme le jugement, le 17 juin 2022. Mme Y, son fils AX devenu majeur, et SNCF Voyageurs se pourvoient en cassation.

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