Mathilde Caillard, notamment militante à Alternatiba, coalition écologiste citoyenne, lors de la manifestation contre la réforme des retraites à Paris, le 28 mars 2023.

L’artiste engagée Mathilde Caillard participe vendredi 21 mars à l’une des « grandes assemblées » du Monde au festival Nos futurs, autour du thème « Environnement : faut-il faire peur, désobéir, donner envie ? », avec Pauline Boyer, Cyril Dion, Léna Lazare et Nabil Wakim.

Voici deux ans, vous vous faisiez connaître du grand public en dansant lors des manifestations contre la réforme des retraites. Vous aviez alors le sentiment que le travail des associations de l’écosystème écologiste était de mobiliser les décideurs afin qu’ils agissent. Où en est-on ?

Le travail de conviction sur la gravité du réchauffement climatique me semblait en effet accompli pour l’essentiel. C’était une ère d’optimisme. Je constate aujourd’hui que ce travail d’information est loin d’être terminé. Il redevient même un but en soi face à l’extension de la post-vérité aux Etats-Unis mais aussi en Europe : montée du scepticisme, explosion des fake news, diffusion massive d’attaques contre les personnes.

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En êtes-vous victime ?

Oui, comme d’autres militantes. Et c’est toujours plus violent. La première fois que j’ai été la cible de harcèlement en ligne, c’était après la diffusion de cette vidéo devenue virale lors des manifestations contre la réforme des retraites. J’étais surtout moquée. Aujourd’hui, le cyberharcèlement s’est déplacé sur les réseaux d’extrême droite et comporte des menaces de mort. Certaines émanent de personnes qui se présentent comme soldat ou comme policier, donc des gens qui ont des armes…

Sur quoi porte ce harcèlement ?

Sur tous les sujets progressistes. L’écologie, notamment, prend cher. Elle est confrontée à une campagne massive venant de personnes ou d’entités qui ont des intérêts économiques liés aux énergies fossiles et qui tentent de diluer leur responsabilité dans la crise climatique afin de gagner du temps et de protéger leur modèle économique.

Comment lutter contre cette désinformation ?

En continuant à s’informer mais aussi en informant le plus possible autour de soi. Parlez à vos proches, tentez de les convaincre, vous serez toujours plus convaincant qu’une inconnue sur les réseaux sociaux. L’autre pilier du combat, c’est l’organisation. Je crois à la puissance des corps intermédiaires, du collectif : on ne peut transformer le monde qu’en étant unis. L’extrême droite et les néolibéraux ne s’y trompent pas. Quand ils s’en prennent, par exemple, aux syndicats, c’est bien pour nous atomiser et anéantir nos liens interindividuels. Ils savent que lorsqu’on est isolé, on est impuissant.

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Il faut aussi renforcer les systèmes de solidarité hérités de l’après-guerre – la Sécurité sociale, les retraites, l’aide aux étudiants… –, donner du sens au travail, changer de modèle de consommation et aller vers plus de sobriété. On n’a pas besoin de baskets qui clignotent pour être heureux ! On a besoin d’avoir un toit sur la tête, d’avoir accès à la santé, à l’éducation, à l’art et à la culture et à un environnement qui ne nous empoisonne pas.

Qu’est-ce qui vous donne l’énergie de tenir ?

Effectivement, ce n’est pas évident. Les sujets que l’on traite sont tellement durs qu’on a l’impression d’avoir le poids du monde sur ses épaules. J’ai dû apprendre à m’autoréguler, notamment en ce qui concerne mon rythme de travail. Je m’appuie aussi beaucoup sur l’expression artistique, à commencer par la danse. Avec mon collectif, Planète Boum Boum, nous avons multiplié les performances ces derniers mois. Nous produisons des œuvres musicales, nous jouons, nous faisons des tournées… Il est essentiel de créer des espaces de joie et de célébration. Ce n’est pas parce que nous sommes sévères et tristes que nous serons plus purs. D’ailleurs, l’idéal de pureté est toujours sous-tendu par des rhétoriques dangereuses, d’où qu’il vienne. Pour ma part, je ne rêve pas d’un monde pur, je rêve d’un monde où l’on se respecte les uns les autres, et où l’on respecte le vivant.

La grande assemblée consacrée au thème « Environnement : faut-il faire peur, désobéir, donner envie ? » a lieu vendredi 21 mars de 18 h 30 à 20 heures à l’auditorium des Champs libres (10, cours des Alliés, 35000 Rennes​). Entrée libre.
L’intégralité du (riche) programme du festival Nos futurs est accessible en suivant ce lien.

Cet article fait partie d’un dossier réalisé dans le cadre d’un partenariat avec les Champs libres et Rennes Métropole.

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