Capture d’écran du tweet de Ibtissame Lachgar publié sur X le 31 juillet 2025.

Un tribunal marocain a condamné, mercredi 3 septembre, à trente mois de prison ferme la militante Ibtissame Lachgar, connue pour son engagement en faveur des libertés individuelles. Elle était poursuivie pour avoir publié, fin juillet, sur les réseaux sociaux une photo d’elle vêtue d’un t-shirt où apparaissait le mot « Allah » (« Dieu ») suivi de la phrase « is lesbian » (« est lesbienne »), jugée « offensante envers Dieu ».

Cette image de la militante vêtue du t-shirt en question était accompagnée sur les réseaux sociaux d’un texte qualifiant l’islam, « comme toute idéologie religieuse », de « fasciste, phallocrate et misogyne ». Une publication qui avait suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux, allant des appels à son arrestation à des menaces de viol et de lapidation.

Selon le jugement, Ibtissame Lachgar doit également payer une amende de 50 000 dirhams (4 750 euros environ).

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Lors de l’audience devant le tribunal de première instance de Rabat, Mme Lachgar a déclaré que son t-shirt reprenait « un slogan féministe qui existe depuis des années contre les idéologies sexistes et les violences faites aux femmes (…) et n’a aucun rapport avec l’islam ».

La psychologue clinicienne, qui a cofondé en 2009 le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) et a mené plusieurs campagnes médiatisées notamment contre les violences faites aux femmes et la pédocriminalité, a expliqué au juge qu’elle avait déjà posté cette même photo sur Internet, notamment en mai, sans qu’elle ne suscite de réactions, et qu’elle n’a porté ce vêtement que lors de manifestations féministes en Europe.

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Le représentant du parquet a toutefois requis une condamnation selon les dispositions prévues dans l’article 267-5 du code pénal marocain, qui punit de six mois à deux ans de prison ferme « quiconque porte atteinte à la religion islamique ». Une peine qui est susceptible d’être portée à cinq ans d’emprisonnement si l’infraction est commise en public, « y compris par voie électronique ».

« Ce procès est une atteinte à la liberté d’expression »

A l’annonce du verdict, sa famille et quelques proches ont fondu en larmes devant le tribunal. « C’est un verdict choquant », « ce procès est une atteinte à la liberté d’expression », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Hakim Sikouk, président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH). « Nous considérons que l’arrestation d’Ibtissame Lachgar par les autorités est arbitraire, car elle n’a fait que publier un simple message exprimant une opinion particulière, sans violence ni incitation », a-t-il ajouté.

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Par le passé, le militantisme d’Ibtissame Lachgar lui avait valu plusieurs démêlés avec les autorités, notamment en 2016 et 2018 mais sans jamais donner lieu à des poursuites. L’un de ses avocats a rappelé, dans sa plaidoirie, qu’elle avait déjà été entendue en 2022 par la police au sujet de cette même photo, sans qu’aucune poursuite ne soit engagée.

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« Sur le plan juridique, il existe désormais la loi sur les peines alternatives. Nous allons présenter une requête dans ce cadre », a souligné l’avocat qui a annoncé vouloir faire appel de cette décision et s’inquiéter de l’état « psychique » de sa cliente, incarcérée depuis le 12 août à la prison d’El Arjat, près de Rabat.

Fin août, Naima El Guellaf, une avocate de Mme Lachgar, avait affirmé que sa cliente était « traitée pour un cancer et devrait subir en septembre une opération critique au niveau de son bras gauche d’après ses médecins qui alertent sur la possibilité d’une amputation si l’intervention chirurgicale n’est pas réalisée ».

Le Monde avec AFP

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