Sur le navire « Ocean Viking » de l’organisation humanitaire SOS Méditerranée, au large de Malte, le 21 mai 2024.

L’histoire a commencé dans le salon un peu fouillis d’une maisonnette du sud de la France. Ici vivent deux chihuahuas, un gros chat, cinq tortues et… Marie* (à sa demande et pour des raisons de sécurité, son nom et sa ville de résidence ne sont pas divulgués). Une aide-soignante retraitée de 68 ans, aux longs cheveux argentés, qui ne lâche jamais des mains son téléphone portable à l’écran fissuré.

Depuis près de six ans, elle partage ses journées – et une grande partie de ses nuits – avec d’innombrables voix qu’elle entend sur WhatsApp ou Messenger. Des cris ou des pleurs venus de Libye, du désert algérien ou d’une embarcation en pleine mer tentant de rejoindre l’Europe. Au bout du fil, des migrants en détresse bloqués de l’autre côté de la Méditerranée. Chaque jour, ils sont une centaine à l’appeler ou à lui envoyer des messages d’urgence : notes vocales, photos ou vidéos de leur calvaire… « Même sous la douche, je leur parle à travers le rideau. »

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés Tunisie : dans les camps de migrants près de Sfax, « l’enfer sous les oliviers »

ONG, journalistes, exilés ne connaissent que son sobriquet numérique : « Marino Dubois. » Ce pseudonyme – qui « ne veut rien dire », assure-t-elle – résonne aujourd’hui de Kamsar en Guinée aux champs d’oliviers tunisiens d’El Amra ; des plages de Laâyoune au Sahara occidental à la frontière poussiéreuse d’Assamaka au Niger. Elle maîtrise par cœur les indicatifs africains, les routes migratoires, la taille des embarcations, leurs moteurs et les ressorts du trafic d’êtres humains. « Le Black, c’est de l’or, hélas », dit-elle.

Il vous reste 81.66% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Share.
Exit mobile version