La police malgache lors des manifestations à l’appel du collectif Gen Z Madagascar demandant la démission du président, à Antananarivo, le 29 septembre 2025.

Le président malgache a annoncé, lundi 29 septembre, renvoyer tout son gouvernement lors d’une allocution télévisée tenue après des jours de manifestations au cours desquels au moins 22 personnes ont été tuées, d’après l’ONU.

Pour le troisième jour de mobilisation d’un mouvement baptisé « Gen Z Madagascar », né d’un ras-le-bol contre les coupures incessantes d’eau et d’électricité et tournant à la contestation ouverte du pouvoir, des milliers de manifestants se sont encore réunis lundi dans la capitale Antananarivo. « Suivant l’article 54 de la Constitution, j’ai décidé de mettre fin aux fonctions du premier ministre et du gouvernement », a déclaré le président Andry Rajoelina à la télévision nationale.

Au moins 22 personnes ont été tuées et plus d’une centaine blessée lors des manifestations en cours, a déclaré le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) de l’ONU. « Parmi les victimes figurent des manifestants et des passants tués par des membres des forces de sécurité, mais aussi d’autres tués lors des violences et des pillages généralisés qui ont suivi, perpétrés par des individus et des gangs sans lien avec les manifestants », détaille le communiqué du HCDH. « Aucun chiffre officiel ne corrobore ce bilan », a déclaré en démenti le ministère des affaires étrangères malgache.

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Mobilisés depuis jeudi, des milliers de protestataires sollicités sur les réseaux sociaux à travers le collectif Gen Z Madagascar, sont descendus lundi dans les rues de la capitale, où les revendications dépassent désormais le ras-le-bol contre les coupures incessantes d’eau et d’électricité.

L’ONU « choqué » par la réponse violente aux manifestations

Le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, s’est dit « choqué » par la réponse violente aux manifestations à Madagascar. « J’exhorte les forces de sécurité à s’abstenir de recourir à une force non nécessaire et disproportionnée et à libérer immédiatement tous les manifestants arrêtés arbitrairement », a demandé M. Türk, dans un communiqué. Il appelle les autorités malgaches à mener « des enquêtes rapides, approfondies, indépendantes et transparentes » sur les violences et à traduire en justice les personnes reconnues coupables.

De nouvelles manifestations ont agité lundi, plusieurs villes de Madagascar, dont la capitale, Antananarivo, où les forces de l’ordre ont fait usage de grenades lacrymogènes dans un face-à-face avec une foule jeune demandant la démission du président, a constaté une équipe de l’Agence France-Presse (AFP).

Plus nombreux que lors du dernier rassemblement samedi et vêtus de noir, les manifestants, partis de l’université d’Antananarivo, ont scandé des chants appelant à la démission du président de la République, Andry Rajoelina.

Ancien maire d’Antananarivo, M. Rajoelina, 51 ans, s’était installé une première fois au pouvoir de 2009 à 2014 à la faveur d’un coup d’Etat faisant suite à un soulèvement populaire. Il s’est ensuite fait élire en 2018, puis réélire en 2023, lors d’un scrutin contesté.

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Limogeage du ministre de l’énergie

Andry Rajoelina a tenté de calmer le jeu en limogeant son ministre de l’énergie vendredi et s’est personnellement déplacé dimanche dans un quartier populaire d’Antananarivo, à son retour de l’Assemblée générale de l’ONU, à New York, pour promettre aux habitants de « tout corriger, pour être encore plus proche » des Malgaches.

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Le mouvement Gen Z Madagascar reprend à son compte le drapeau pirate tiré du manga et de l’anime japonais One Piece, signe de ralliement vu en Indonésie ou au Népal de mouvements de contestation contre le pouvoir en place.

Des vidéos sur les réseaux sociaux montrent l’arrestation lundi dans la capitale d’un député d’un petit parti concurrent du pouvoir lors d’un rassemblement. D’autres élus, issus de l’opposition, ont demandé sa libération face à la presse dans la rue.

Près de l’université d’Antananarivo, les forces de l’ordre ont arrêté au moins un manifestant. S’est ensuivi un face-à-face à environ 200 mètres de distance pour barrer la route au défilé prévu vers le quartier d’Ambohijatovo dans le centre. Plusieurs protestataires affichaient des pancartes « On veut vivre, pas survivre », un des slogans emblématiques du mouvement.

De nombreux pillages

Après la première manifestation de jeudi, Antananarivo a été livrée à des pillages toute la nuit, sans rencontrer d’opposition des forces de l’ordre. Les domiciles de trois parlementaires proches du pouvoir avaient été incendiés dans la journée.

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« Des groupes d’individus anonymes ont été rémunérés pour piller de nombreux établissements afin d’entacher le mouvement et la lutte en cours », accuse Gen Z Madagascar dans un communiqué. Ce mouvement s’est baptisé en référence à la génération des personnes nées entre la fin des années 1990 et le début des années 2010.

Outre la capitale, la mobilisation est particulièrement suivie dans le Nord, à Antsiranana. Des rassemblements sont signalés à Fianarantsoa (Centre), Toliara (Sud) et Toamasina (Est). Il s’agit des manifestations les plus importantes depuis la période précédant l’élection présidentielle de 2023. Boycotté par l’opposition, le scrutin avait attiré la participation de moins de la moitié des électeurs inscrits.

En dépit de ses richesses naturelles exceptionnelles, Madagascar reste l’un des pays les plus pauvres de la planète et est classé 140e sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International. Près de 75 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2022, d’après la Banque mondiale.

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Le Monde avec AFP

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