Une militante de la Confédération paysanne tient une pancarte sur laquelle on peut lire « La loi Duplomb nous fout le bourdon ! », lors de la visite de la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Annie Genevard, dans une ferme à Saint-Michel (Gers), le 5 juin 2025.

Y aura-t-il un nouveau débat à l’Assemblée nationale ? Fort du succès de la pétition contre la loi Duplomb, la gauche et les écologistes ont promis, lundi 21 juillet, de maintenir la pression à l’automne autour de l’abrogation du texte agricole décrié pour son impact environnemental et sanitaire.

Lire aussi | Loi Duplomb : « Les points de fragilité du modèle agricole français ne disparaîtront pas avec le retour de telle ou telle molécule »

Lancée le 10 juillet, deux jours après l’adoption de la loi qui prévoit notamment la réintroduction, à titre dérogatoire et sous conditions, de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France mais autorisé en Europe, la pétition a récolté 1,5 million de signatures lundi soir sur le site de l’Assemblée nationale.

Un chiffre largement au-dessus du seuil requis des 500 000 signatures pour obtenir un débat en séance sur cette pétition, si la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale, qui fixe l’agenda, en décide ainsi mi-septembre lors de la rentrée parlementaire. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), s’y est dite « favorable ». Tout comme la ministre de l’agriculture, Annie Genevard (Les Républicains), qui a écrit sur X que « le gouvernement est bien sûr pleinement disponible » pour un tel débat. « Les parlementaires ont adopté une version strictement encadrée [de la loi], fondée sur l’avis de l’agence sanitaire européenne de référence, précisément pour en contrôler la portée », a-t-elle toutefois plaidé.

Mais ce débat ne permettra pas un réexamen de la loi sur le fond car il faudrait un autre texte législatif. Qu’à cela ne tienne, « lors des prochaines niches parlementaires [journées réservées aux textes des groupes politiques], chaque groupe du Nouveau Front populaire aura comme texte l’abrogation de la loi Duplomb », a prévenu la députée écologiste Sandrine Rousseau sur Franceinfo. Les socialistes ont confirmé vouloir porter « à la rentrée une proposition de loi abrogeant les graves reculs » du texte.

Lire aussi | Loi Duplomb : où en est la pétition et quelle suite peut lui être donnée

« Tueur d’abeilles »

La réautorisation de l’acétamipride est réclamée par les producteurs de betteraves ou de noisettes, qui estiment n’avoir aucune autre solution contre les ravageurs et subir une concurrence déloyale de leurs concurrents européens. A contrario, les apiculteurs mettent en garde contre « un tueur d’abeilles ». Ses effets sur l’humain sont aussi source de préoccupations, même si les risques restent incertains, faute d’études d’ampleur.

Bien que n’étant pas à l’origine de la pétition, lancée par une étudiante qui refuse tout contact avec les médias pour l’instant, la gauche essaye de tirer avantage de cette mobilisation citoyenne. « C’est une incroyable bonne nouvelle », a estimé sur son blog le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, alors qu’au moment du processus parlementaire, « la loi ne souleva guère de passion au-delà de milieux directement impliqués ».

Lire la chronique | Article réservé à nos abonnés « L’adoption de la loi Duplomb constitue un moment de rupture démocratique inédit »

« Instrumentalisation de la gauche et des écologistes », répondent les défenseurs de la loi, en premier lieu son auteur, le sénateur Laurent Duplomb (Les Républicains, LR). « Je ne suis pas sûr que, si elle n’avait pas été instrumentalisée (…) les Français se seraient saisis de cette pétition de façon spontanée et auraient autant signé, a-t-il jugé sur RMC. Quand on diabolise les choses et quand on fait peur à tout le monde, par définition, on peut avoir ce résultat. »

« Nous refusons que la propagande des gauches puisse laisser imaginer à nos compatriotes que cette loi menace leur santé et notre environnement », a dénoncé sur X la cheffe de file du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, qui s’est toutefois déclarée favorable à la tenue d’un débat au Parlement sur ce texte.

Newsletter

« Chaleur humaine »

Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet

S’inscrire

Dans le camp présidentiel, on cherche la bonne formule pour tenir compte du succès de la pétition sans remettre en cause la loi votée au Parlement. Gabriel Attal, patron du parti présidentiel Renaissance, a ainsi souhaité que le gouvernement saisisse l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) afin qu’elle donne son avis sur le texte en amont de l’éventuel futur débat parlementaire. Il a été rejoint par la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, issue du même parti, qui a préconisé de « faire appel » à l’Anses pour « éclairer » cet éventuel débat et « permettre de sortir des postures politiques dans un sens comme dans l’autre ».

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La loi Duplomb sur l’agriculture, définitivement adoptée, ne fait pas le plein des voix au sein du bloc central

Parcours parlementaire expéditif

Mais pour M. Duplomb, la pétition vise surtout à « mettre la pression sur le Conseil constitutionnel » qui doit se prononcer sur la loi d’ici au 10 août. Si le Conseil valide la loi, la gauche appelle Emmanuel Macron à demander alors au Parlement une deuxième délibération, comme le lui permet la Constitution.

« Le chemin de cette loi n’est pas terminé puisque le Conseil constitutionnel a été saisi. Le président [Macron] ne peut dès lors pas s’exprimer tant que les Sages n’ont pas rendu leur décision », a répondu à l’Agence France-Presse l’entourage du président. Si le chef de l’Etat prenait une telle décision, cela pourrait déclencher une crise gouvernementale avec LR.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Fleur Breteau, le visage de la colère contre le cancer et les pesticides

« Je pense que le président de la République est conscient des enjeux de souveraineté », y compris alimentaire, a estimé lundi le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau. « Le sujet pour nous, c’est évidemment de continuer à produire une alimentation comme elle se fait partout en Europe », a-t-il déclaré sur Franceinfo.

La loi Duplomb, présentée par ses défenseurs comme une des réponses à la crise du monde agricole de 2024, contient d’autres mesures controversées sur le rôle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, les pouvoirs des agents de l’Office français de la biodiversité ou le stockage de l’eau pour l’irrigation des cultures (mégabassines).

La pétition vise aussi à protester contre un parcours parlementaire expéditif avec une motion de rejet préalable votée par les partisans de la loi pour contourner une obstruction parlementaire de la gauche, qui avait déposé plusieurs milliers d’amendements.

Le Monde avec AFP

Réutiliser ce contenu
Share.
Exit mobile version