Un canal d’irrigation pour l’agriculture, près de Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), le 23 juin 2023.

La proposition de loi agricole dite Duplomb, qui prévoit notamment la réintroduction d’un pesticide très toxique, comporte des risques pour l’environnement et la santé publique compte tenu des conséquences potentielles sur la ressource en eau, ont alerté, vendredi 27 juin, des régies publiques de l’eau.

Les « défis » que représentent les difficultés rencontrées par le monde agricole – dérèglement climatique, exigences en matière de transition, tensions économiques – « appellent un soutien fort (…), mais ils ne peuvent justifier des reculs en matière de santé publique », s’alarme le réseau France Eau publique dans un courrier adressé jeudi aux membres de la commission mixte paritaire chargée de l’examen de ce texte, rendu public vendredi.

Cette commission, qui réunira lundi 14 sénateurs et députés, aura pour mission de trouver un texte de compromis, après un rejet tactique du texte, visant à contourner un « mur » d’amendements écologistes et insoumis.

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Les risques liés à la réintroduction des néonicotinoïdes

« En autorisant à nouveau l’usage (dérogatoire) des pesticides néonicotinoïdes, niant leur toxicité et leur persistance dans l’environnement », cette proposition de loi « ouvre la voie à une dégradation des milieux naturels, avec des conséquences lourdes sur les pollinisateurs, les sols, la santé humaine – notamment le développement neurologique des jeunes enfants – et bien sûr les ressources en eau, vecteurs majeurs de diffusion de ces substances », estime France Eau publique, un réseau qui regroupe 123 collectivités et opérateurs publics de l’eau et de l’assainissement.

Rappelant que près de 12 500 captages d’eau potable ont été fermés depuis 1980, selon un rapport interministériel, les opérateurs publics de l’eau estiment que « plutôt que d’accroître les risques de pollution, il est impératif de renforcer les politiques de prévention ».

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« Il est primordial d’être aux côtés des agriculteurs pour leur permettre de mieux exercer leur activité. Le texte poursuit donc un objectif que nous partageons, mais les réponses apportées ne sont pas acceptables au regard des risques environnementaux et sanitaires qu’il va accentuer », a estimé Christophe Lime, président de France Eau publique, dans un message à la presse, accompagnant ce courrier.

La réintroduction des néonicotinoïdes « altérera durablement la qualité des ressources en eau, imposant des traitements de potabilisation toujours plus importants et coûteux pour les usagers, quels qu’ils soient », a-t-il conclu.

La Ligue contre le cancer demande le retrait d’articles

La Ligue contre le cancer a par ailleurs déclaré vendredi qu’« en contournant les restrictions existantes, ce texte [la proposition de loi agricole Duplomb] ouvre la voie à une déréglementation de produits reconnus comme potentiellement cancérogènes », des « pesticides de la famille des néonicotinoïdes, interdits en 2018 en France ». La ligue demande le retrait des articles concernés.

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La proposition de loi Duplomb va « aggraver l’exposition aux pesticides » des « agriculteurs, fleuristes, jardiniers, vétérinaires », et celle des « riverains des zones d’épandage », déplore la Ligue contre le cancer, rappelant que « des traces de pesticides ont été trouvées dans l’alimentation, les milieux aquatiques, l’air, les sols et les habitations ».

Alors que la priorité devrait « être donnée à la recherche afin d’établir avec précision le lien entre pesticides et cancers », le texte entend aussi « suppléer l’expertise scientifique » de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail par un « conseil d’orientation pour la protection des cultures sans garantie d’indépendance ou d’absence de conflits d’intérêts », s’alarme-t-elle.

« Au-delà du seul avenir des agriculteurs se joue celui de la santé publique dans son ensemble : la vigilance collective est aujourd’hui indispensable », conclut la Ligue.

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Le Monde avec AFP

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