Un livre pour enfants qui a l’air totalement anodin, voire un peu gnangnan, mais se vend au prix fort chez tous les libraires en ligne. On ne trouve pourtant nulle trace de biographie de son autrice. A-t-il été écrit par une femme en chair et en os ? Ou entièrement par une intelligence artificielle (IA) ? Au cours des 25es Assises du livre numérique, qui se sont tenues jeudi 28 novembre à la Bibliothèque nationale de France, Arnaud Robert, secrétaire général d’Hachette Livre et président de la commission juridique du Syndicat national de l’édition (SNE), a clairement penché pour la seconde hypothèse, en présentant la couverture de ce livre sur un écran de 4 mètres sur 3. Même si rien ne l’indique sur la couverture. M. Robert a souligné l’avalanche de livres écrits par IA, « au point où les “vrais” ouvrages risquent de disparaître dans un magma d’ouvrages qui ne sont pas écrits par des humains ».

D’autant plus que ces derniers sont systématiquement soutenus par des centaines de commentaires élogieux, eux aussi élaborés par des IA. Même si Amazon a imposé, en décembre 2023, qu’une même « personne » ne puisse pas publier plus de trois livres par jour sur sa plateforme d’autoédition Kindle Direct Publishing, le flux de production ne cesse d’augmenter. Face à cette menace, le SNE a décidé de porter l’affaire sur un terrain juridique et vient de mandater un avocat qui analysera la licéité de ce type de livres.

L’IA investit déjà de nombreux champs de l’édition. Selon Virginie Clayssen, directrice du patrimoine et de la numérisation chez Editis et présidente de la commission numérique du SNE, « tous les éditeurs travaillent depuis deux ans avec de l’IA, le plus souvent dans des phases de test ».

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La société américaine Veristage a ainsi créé Insight, une plateforme d’IA qui leur est destinée. Lancée par deux pointures de l’édition, Thomas Minkus et Thomas Cox, elle permet, selon ce dernier, d’analyser des documents et de « rationaliser l’ensemble du cycle de vie de la publication ». Insight comprend des outils permettant d’extraire des données dans un manuscrit (résumés sur les personnages, l’intrigue, les lieux…), de traduire des livres en cinq langues et de produire à vive allure des livres audio. La plateforme suggère également des textes pour les quatrièmes de couverture, des campagnes de marketing destinées aux réseaux sociaux, des légendes et des images… Et elle peut aussi analyser les ventes d’un ouvrage. Des pans entiers de l’édition sont donc concernés. « J’entends beaucoup de gens avoir des inquiétudes sur les emplois. Moi, je ne connais pas un seul éditeur qui ne soit pas surchargé de travail », affirme M. Cox, qui se veut rassurant, sans convaincre pour autant.

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