Que reste-t-il aux Etats-Unis de la classe ouvrière ? A en juger par la campagne électorale qui touche à sa fin, celle-ci est toujours une force politique de premier plan, capable, par le jeu institutionnel d’un scrutin indirect, de peser dans l’élection en faisant basculer certains Etats-clés. On a ainsi vu [la candidate démocrate] Kamala Harris, le jour du Labor Day – le premier lundi du mois de septembre –, faire le voyage jusqu’à Pittsburgh [Pennsylvanie], berceau du syndicalisme américain, pour dire tout son attachement aux victoires acquises par les ouvriers par les luttes sociales.

Le candidat républicain, Donald Trump, de son côté, annonçait fièrement le 19 octobre, près de Pittsburgh, toujours, avoir reçu le soutien de trois dirigeants locaux du syndicat des ouvriers de la sidérurgie, soutien symbolique mais marquant, quelques semaines après le refus des camionneurs d’apporter leur appui à l’un ou à l’autre des deux candidats.

Par-delà la Pennsylvanie, que Hillary Clinton avait perdue pour 40 000 voix et où le scrutin s’annonce, cette année encore, très serré, la question des suffrages de la classe ouvrière, particulièrement la classe ouvrière blanche, est scrutée en raison du rôle prépondérant que nombre de commentateurs et analystes lui prêtent dans la victoire de Trump en 2016.

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Néanmoins, en dépit des grèves qui ont émaillé l’actualité récente, cette attention ne va pas forcément de soi. Les ouvriers, dans l’économie actuelle, ne pèsent que 12 % de la main-d’œuvre et, dans le secteur privé, les organisations syndicales, décimées par la désindustrialisation et cinquante ans de luttes antisyndicales, ne représentent que 6 % des salariés. Si Pittsburgh fut assurément, dès le début du XXe siècle, la ville industrielle par excellence, elle est aujourd’hui une métropole postindustrielle, où un salarié sur cinq est employé dans le secteur de la santé et de l’assistance sociale. Et s’il est une ville où travail et action syndicale se traduisent en force politique, c’est plutôt Las Vegas, dans le Nevada, où les espoirs démocrates reposent sur la mobilisation et l’influence des 50 000 adhérents des syndicats des employés de l’hôtellerie, principalement des femmes immigrées.

Paradoxe

L’inscription de la « classe ouvrière » dans l’élection de 2024 relève d’une double confusion bien ancrée dans l’histoire sociale et politique des Etats-Unis depuis les années 1970. En effet, les usages publics du terme « working class », notamment dans la presse nationale, ont fortement augmenté à mesure que les usines s’effaçaient du paysage économique et que les organisations syndicales perdaient de leur influence, jusqu’à ce que ces usages atteignent un niveau très élevé en 2016.

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