Un journaliste du Financial Times, Robert Armstrong, a inventé le 2 mai une expression qui a fait florès pour décrire la versatilité du président Donald Trump sur les tarifs douaniers : TACO, acronyme de « Trump always chickens out », signifiant « Trump finit toujours par se dégonfler ». Trois mois plus tard, il n’est pas impossible que la théorie du TACO s’applique aussi à la politique du chef de l’Etat américain à l’égard de la Chine.

Oscillant entre sanctions commerciales contre Pékin et déclarations d’amitié pour son homologue Xi Jinping, Donald Trump ne cesse de faire des zigzags, de retarder les échéances qu’il s’est lui-même fixées et de prendre des décisions en contradiction avec la ligne de fermeté qui faisait jusqu’à présent consensus à Washington.

Deux exemples, lundi 11 août, illustrent cette confusion. Dans une initiative sans précédent, le président des Etats-Unis a d’abord passé un accord avec le PDG de la société Nvidia, la plus grosse entreprise américaine de microprocesseurs et première capitalisation boursière mondiale, aux termes duquel la firme sera autorisée à exporter en Chine des puces du modèle H20 ; en échange, elle versera au Trésor américain 15 % des bénéfices ainsi réalisés. L’accord vaut aussi pour une autre société de microprocesseurs, Advanced Micro Devices.

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Non seulement ce procédé inédit, dont la constitutionnalité est contestable, institue une taxe sur les exportations de puces en Chine et relève d’une intervention directe de l’Etat fédéral dans l’activité des entreprises, mais il traduit un changement de ligne de Washington sur la vente des semi-conducteurs à la Chine.

Donald Trump, à son arrivée dans la salle de presse de la Maison Blanche, à Washington, le 11 août 2025.

Celle-ci était en effet interdite depuis avril, au moment où Donald Trump a lancé son offensive mondiale sur les droits de douane. Pour contrer cette offensive, Pékin avait limité ses exportations de produits de terres rares, notamment les aimants, indispensables pour les composants électroniques de plusieurs industries et dont la Chine détient un quasi-monopole. Les deux grandes puissances économiques exercent ainsi une pression réciproque : la Chine dispose du levier des terres rares et les Etats-Unis jouent de celui des puces d’intelligence artificielle dont Pékin n’a pas encore la technologie.

Pékin mise sur le temps long

En autorisant Nvidia à exporter ses puces H20, Donald Trump lâche donc du lest à l’égard de la Chine, ce qui fait craindre aux partisans de la ligne dure à Washington qu’il ne cède plus tard sur l’exportation des puces les plus avancées, mettant ainsi en danger la sécurité nationale des Etats-Unis.

L’autre concession annoncée lundi est le report de 90 jours – à nouveau – des négociations sur les droits de douane avec la Chine. Toutes ces manœuvres visent évidemment à ménager le président chinois, avec lequel Donald Trump tient beaucoup à organiser une rencontre au sommet pour conclure le « deal » commercial dont il rêve.

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Le problème est que la politique chinoise de la Maison Blanche est parfaitement illisible. Les partenaires des Etats-Unis, en Europe, en Asie ou ailleurs, sont fondés à se demander si l’administration Trump a seulement arrêté une stratégie, ou si le président républicain navigue à vue, au gré de ses humeurs, de ses intérêts mercantilistes et des PDG qui passent par le bureau Ovale. Au lieu de mettre Xi Jinping en difficulté, cette incertitude fait le jeu de Pékin, où l’on mise sur le temps long, et sème la confusion parmi les acteurs européens et asiatiques, sur le plan commercial comme dans le domaine de la sécurité.

Le Monde

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