Historien, ancien militant de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), toujours militant de gauche et animateur du Réseau d’actions contre l’antisémitisme et tous les racismes, Robert Hirsch est l’auteur de La Gauche et les Juifs (Le Bord de l’eau, 2022). Il revient sur l’instrumentalisation de la question de l’antisémitisme par l’extrême droite, concomitante des errements de la gauche.

Après des élections européennes marquées par les procès en antisémitisme et la question israélo-palestinienne, le Rassemblement national (RN) revendique d’être devenu le parti « bouclier des juifs ». Un pari gagnant ?

La préoccupation essentielle de Marine Le Pen depuis son accession à la tête du Front national [FN, devenu RN] en 2011 est la rupture avec ce qu’était le FN de son père [Jean-Marie Le Pen], marqué par l’antisémitisme, en considérant que son plafond de verre était lié au rapport étroit entretenu avec le fascisme du XXe siècle. Elle voulait rompre avec cela et la rupture passait évidemment par celle avec l’antisémitisme. Elle a relativement réussi médiatiquement, en faisant apparaître son parti comme n’étant plus antisémite.

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Quant à la question de l’Etat d’Israël, l’extrême droite a toujours été partagée entre pro et anti, Marine Le Pen a plutôt pris le parti des pros en soutenant le gouvernement très droitier de Benyamin Nétanyahou. Cela n’empêche pas la permanence de dérives antisémites extrêmement importantes de la part d’un certain nombre de ses députés et candidats. Par ailleurs, l’argumentation sur les binationaux, même esquissée comme une mesure concernant un petit nombre de personnes, rappelle le pétainisme. Comme dans le régime de Vichy, il y a cette idée que certains ne sont pas tout à fait aussi français que les autres, que des Français n’ont pas les mêmes droits que les autres. Cela peut toucher y compris un certain nombre de juifs qui ont la double nationalité franco-israélienne.

En face, dans un renversement, la gauche semble se retrouver seule sur le banc des partis accusés d’antisémitisme…

La dédiabolisation du RN est aidée aussi par la propagande gouvernementale sur les « deux extrémismes ». Mettre sur le même plan le Nouveau Front populaire et le RN, cela aboutit d’abord à dédiaboliser l’extrême droite. A côté de cette instrumentalisation, il y a des erreurs à gauche. On ne peut pas qualifier la gauche d’antisémite ni dire que LFI serait un parti antisémite, car elles n’ont ni un programme ni une histoire antisémite.

En revanche, il y a des dérives importantes : une partie de la gauche a laissé de côté l’antisémitisme alors qu’il remontait, à partir des années 2000. Pour deux raisons essentielles, le conflit israélo-palestinien, et parce que cet antisémitisme, qui n’est pas nouveau, s’est développé dans des milieux nouveaux, c’est-à-dire dans une partie de la jeunesse arabo-musulmane des banlieues.

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