Jonglant entre le présent et le passé, Alternative pour l’Allemagne (AfD) a exploité à l’extrême une actualité dramatique tout en jouant avec le rapport des Allemands à l’histoire. Elle a profité en temps réel d’attaques spectaculaires impliquant des réfugiés et a su habilement faire appel à la lassitude des discours sur le passé – quitte à falsifier l’histoire. L’incontestable percée de l’AfD aux élections législatives de dimanche 23 février est historique parce qu’elle constitue un événement inattendu ouvrant vers un futur incertain. C’est aussi l’histoire nazie de l’Allemagne, avec son ombre portée sur le présent, qui fait d’elle une césure.

Le score de l’extrême droite, à plus de 20 %, était attendu mais la consternation domine chez les 80 % d’Allemands qui ont fait un autre choix et chez leurs voisins. Accueillir d’un haussement d’épaules un phénomène qui s’est banalisé dans les Etats d’Europe n’est en effet pas possible dans le pays du nazisme. Depuis 1945, l’Allemagne s’est construite sur le rejet de l’idéologie et du régime criminels – avec un succès apparent : jusqu’au début des années 2010, elle a résisté à la montée récente du populisme. Comme un reflet de la discipline et de la perfection qui collent à son image, l’exemplarité du travail de l’Allemagne sur son passé et l’efficacité de son modèle politique ont laissé penser que les tentations du passé avaient été purgées et que la population avait été immunisée par l’expérience lointaine de la dictature.

La vitesse à laquelle la droite populiste allemande a rattrapé son « retard » sur ses voisines donne le vertige. En moins de douze ans (2013-2025), elle est passée de 4,7 % à 20 % des voix à l’échelle fédérale et en à peine trois ans, elle a doublé le nombre de ses sièges au Bundestag. L’AfD a exploité cette exceptionnelle tribune pour déclarer qu’elle était la seule alternative à tous les autres partis : elle les a accusés en bloc d’avoir lamentablement échoué dans les domaines qui préoccupent les citoyens.

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