« Sans précédent depuis 1945… » Qu’il s’agisse de l’ordre mondial, du principe d’intangibilité des frontières ou du lâchage des Européens par les Américains, jamais cette année 1945 qui marque la fin de la seconde guerre mondiale n’a autant servi de référence pour comprendre les bouleversements historiques que nous vivons. Or, ce millésime correspond aussi à l’époque où, après la victoire sur le nazisme, les démocraties d’Europe de l’Ouest se sont « reconstruites par le droit », selon l’expression de la juriste Aurore Gaillet à propos de l’Allemagne. L’exigence du « plus jamais ça » a inspiré toute une architecture d’institutions nationales et internationales destinées à refonder les systèmes politiques et les relations entre Etats sur la base du respect de droits humains fondamentaux, dont le mépris avait précipité le continent dans la catastrophe.

La protection des individus contre l’arbitraire, l’égalité devant la loi, la séparation des pouvoirs, le principe de légalité, autrement dit la soumission de l’administration aux lois, elles-mêmes respectueuses de la Constitution et des droits humains, ne sont pas des exclusivités européennes. Mais ces principes ont apporté, précisément depuis 1945, avec de lourdes exceptions comme les guerres coloniales, un acquis inestimable : la paix sur le continent. Une expression qui a servi d’étendard aux opposants aux régimes d’oppression de l’Espagne franquiste, de l’URSS et de ses satellites d’Europe de l’Est s’est imposée pour désigner ce bloc juridique garant des démocraties pluralistes : l’« Etat de droit ».

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Si la réélection de Donald Trump marque une césure dans l’après-1945, c’est qu’elle scelle une alliance de fait avec Vladimir Poutine non seulement pour démanteler les instances de coopération internationales, mais pour faire éclater une puissance jugée hostile : l’Union européenne (UE). Pour y parvenir, le président américain, à l’instar de son homologue russe, mise sur une prise du pouvoir par l’extrême droite chez les Vingt-Sept, comme en atteste le discours de son bras droit, J. D. Vance, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité mi-février.

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