Faut-il remplacer les verrières d’Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) par des vitraux contemporains dans six ­chapelles de la nef de Notre-Dame de Paris ? Non, a répondu à l’unanimité, le 11 juillet, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA). Pour justifier leur décision, ses membres (élus, présidents d’association, historiens…) invoquent la charte de Venise, qui fixe les règles déontologiques de restauration des monuments historiques. Signé par la France en 1965, ce texte prohibe le remplacement d’éléments anciens bien conservés par des pièces modernes.

Or, non seulement les fameuses grisailles – ces verres à motifs géométriques ou d’entrelacs rehaussés de couleurs – n’ont pas souffert de l’incendie du 15 avril 2019, mais elles ont aussi été nettoyées et restaurées avec l’argent des donateurs de la cathédrale. « On ne va quand même pas déposer et mettre dans des caisses des vitraux classés monuments historiques signés Viollet-le-Duc, grand architecte de la rénovation de Notre-Dame au XIXe siècle, qui ont servi de mètre étalon à la restauration actuelle ! », grince un membre de la commission. Bon prince, il ajoute : « Mais rien ne s’oppose à ce que des verrières modernes soient posées dans les baies des tours nord ou sud dépourvues de vitraux. »

Cinq mois avant la réouverture de la cathédrale, les 7 et 8 décembre, l’avis de la commission, même s’il n’est que consultatif, a jeté un froid au ministère de la culture mais aussi à l’Elysée. N’est-ce pas le chef de l’Etat qui, lors d’une visite sur le chantier de Notre-Dame le 8 décembre 2023, a annoncé l’organisation d’un concours pour installer des vitraux contemporains dans les baies de six chapelles du bas-côté sud de la nef de la cathédrale ? N’est-ce pas lui qui a nommé, ce jour-là, Bernard Blistène, ex-directeur du Musée national d’art moderne, président du jury, devenu depuis comité artistique chargé de désigner, en novembre 2024, le binôme (artiste et maître verrier) lauréat ? Comme ces verrières ne seront pas posées avant 2026, il est prévu qu’un prototype soit présenté à la réouverture.

« Impossible de trouver l’esprit de Pentecôte… »

L’annonce présidentielle avait aussitôt déclenché la mobilisation des défenseurs du patrimoine. Publiée sur Change.org dès le 10 décembre 2023, la pétition « Conservons à Notre-Dame de Paris les vitraux de Viollet-le-Duc » a recueilli plus de cent quarante-deux mille signatures à ce jour. Remise à l’Elysée en janvier par son auteur, Didier Rykner, directeur de la rédaction de La Tribune de l’art, la supplique n’a pas suffi à arrêter la machine.

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