La science des villes s’est beaucoup renouvelée depuis quelques décennies. Qui dit science dit, en principe, précision des définitions et des mesures. Mais si chaque personne sait intuitivement ce qu’est une ville, les scientifiques ont, en revanche, bien de la peine à s’accorder sur une définition ! Les villes sont des objets complexes, c’est-à-dire qu’il faut les observer du point de vue de plusieurs disciplines différentes pour les comprendre et tenter de prévoir leur évolution. Elles ont prouvé leur énorme capacité de changement tout au long des quelque sept ou huit millénaires de leur existence, mais quel futur saurons-nous ménager pour cette façon désormais dominante d’habiter la Terre ?

L’humanité se condamne-t-elle à la catastrophique « planet of slums » (Planète bidonvilles, Ab Irato, 2005), décrite par l’historien et géographe américain Mike Davis ? Faut-il faire cesser la concentration dans des villes toujours plus grandes ? Les grandes villes sont-elles plus productives et plus « écologiques » que les petites ? Au moment où l’on discute des « villes intelligentes », la qualité des mesures est importante. Mais comment mesure-t-on les villes ?

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L’évolution de la taille des villes est un processus qui a beaucoup de régularités et de similitudes entre les régions du monde, quels que soient leurs systèmes économiques et politiques, ce qui permet de construire une science. Ce savoir permet aussi de détecter certaines anomalies. On sait depuis longtemps que des variations sont explicables, comme la taille de Paris, surdimensionnée par rapport à celle des autres villes françaises du fait de la centralisation étatique précoce et maintenue plus forte que dans d’autres pays européens.

Le « scandale » de Chongqing

Plus récemment, le « scandale » associé à Chongqing, désignée comme la plus grande ville du monde en lui attribuant la population de toute sa province, a fait long feu. Mais sait-on qu’aujourd’hui encore, la quasi-totalité des articles scientifiques sur les villes chinoises étudient sans sourciller l’ensemble des 283 « villes préfectures » ou au maximum les 657 entités chinoises pourvues officiellement du statut officiel de ville ? Or selon cette définition, le territoire chinois, peuplé de près d’un milliard et demi d’habitants, n’aurait « que » 657 villes ! En comparaison, les Etats-Unis, avec quatre fois moins d’habitants, dénombrent environ 900 agglomérations statistiques de plus de 10 000 habitants, et l’Europe prise au sens large, deux fois moins peuplée que la Chine, en a environ 5 000 !

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