On oublie souvent que la Convention climat, en 1992, fut une initiative du G7 où les pays en voie de développement furent invités. A l’agenda du Nord, celui du climat et de la sécurité énergétique, le Sud répondit en imposant de lier climat et développement soutenable et de faire de la lutte contre la pauvreté une « priorité absolue ».

Cela ouvrit des décennies de malentendus, dont les questions de financement sont le symbole. A Kyoto (1997), on concéda au Sud un « mécanisme de développement propre », par lequel il pourrait tirer d’investissement du Nord faits au Sud des crédits d’émission échangeables sur des marchés carbone. La COP15, à Copenhague (2009), se centra sur l’objectif des 2 °C, sans préciser les modalités d’un transfert Nord-Sud annoncé de 100 milliards de dollars (92 milliards d’euros) par an. Il fallut attendre un quart de siècle pour qu’on en parlât sérieusement dans l’accord de Paris (COP21, 2015). Après la COP21, on proclama des objectifs globaux de plus en plus ambitieux mais sans progrès équivalent sur les moyens de les tenir : c’est le constat qui a été fait à la COP28, c’est le sujet majeur qui sera abordé à la COP29 de Bakou, du 11 au 22 novembre.

La COP28 a entériné la nécessité de changer de problématique d’ensemble pour être à la hauteur des enjeux, avec, comme priorité une « évolution des mécanismes fondamentaux de l’économie mondiale » de façon « non conflictuelle et non punitive ».

Dénouer le nœud gordien

Les discours centrés sur le seul affichage d’objectifs climatiques sous-estiment la nature paradoxale de l’urgence climat. Les dommages d’ici à 2100 dépendent en effet plus du stock existant de gaz à effet de serre que de la température atteinte. L’objectif à + 1,5 °C implique une neutralité carbone en 2050 peu tenable pour fournir de l’énergie non carbonée à des prix abordables aux 3,8 milliards d’êtres humains vivant avec moins de 6,85 dollars par jour. L’urgence est plutôt de lever les obstacles au développement si on veut les embarquer dans une lutte commune. De même, c’est aux causes structurelles du besoin de migrer qu’on doit s’attaquer pour réduire le nombre de réfugiés climatiques.

La COP28 a donc bien raison d’appeler à réformer un système économique mondial qui a conduit au monde fragmenté que nous connaissons. On peut se dire que c’est un vœu pieux vu les tensions géopolitiques actuelles. Mais, soyons lucides, la pression du Sud pour son développement, qu’il soit vertueux ou pervers, est inarrêtable. On risque alors de voir le climat pris en otage par la géopolitique, la finance climat soutenir des projets incohérents avec le développement des pays hôtes, et des guerres commerciales déclenchées au nom de la protection de la planète.

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