Il est amusant de relire les tribunes, il y a cinq ou dix ans, prédisant que Netflix allait tuer le cinéma français. Patrons de salles, experts et sous-experts assimilaient cette lucarne domestique au diable. Le vent a tourné et de quelle façon ! Les plateformes contribuent à la santé du secteur, voire à le sauver. C’est un changement d’époque sans que l’on sache pourtant si elle sera joyeuse.
Elle l’est déjà pour notre modèle. La France est le seul pays au monde où la fréquentation des salles a augmenté entre 2023 et 2024. C’est grâce à la richesse d’une production nationale, qui compense une production hollywoodienne en repli. Alors que 3 000 cinémas ont fermé aux Etats-Unis en 2023, le parc français va bien, que 11 millions d’abonnés Netflix ont à peine égratigné.
Cette surprise en rappelle une autre, au milieu des années 1980, quand le président François Mitterrand, de gauche, avait autorisé la création de chaînes commerciales, d’abord Canal+, puis La Cinq et TV6. Le cinéma a hurlé, persuadé que ces intrus diffuseraient des paquets de films, et, en conséquence, tueraient la production arty et les salles. C’est ce qui s’est passé en Italie.
En France, la télé n’a pas tué le cinéma, elle l’a sauvé. A force de règles et garde-fous, les chaînes sont passées de fossoyeur à soutien. Canal+, créée en 1984, en est le symbole toujours vivant : avec 220 millions d’euros investis chaque année, c’est le premier financeur, et de loin, du cinéma dans l’Hexagone, soit 130 films en 2024.
Accord historique en France
Pour les cassandres, un miracle ne passe pas deux fois. On peut tordre le bras à des télévisions françaises, pas au géant américain Netflix ou aux studios d’Hollywood, qui pourfendent à Bruxelles les règles françaises, perçues comme du communisme : la taxe prélevée sur chaque ticket en salle, attendre des mois avant qu’un film sorti au cinéma soit diffusé sur une plateforme, financer des films français…
Mais voilà, Netflix, Amazon et Disney jouent le jeu. Après Netflix – 50 millions d’euros dans le cinéma – et Amazon, voilà que le géant Disney vient de signer un accord historique en France. Financer à hauteur de 40 millions d’euros par an pendant trois ans autour de 70 films ou séries. En échange, la firme aux grandes oreilles va pouvoir diffuser ses longs métrages sur sa plateforme Disney + seulement neuf mois après leur sortie en salle, contre dix-sept mois auparavant.
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