Il est presque 23 heures dans le bureau du premier ministre, ce 9 avril. Nuit douce, fenêtres ouvertes à l’espagnolette sur le calme du jardin de Matignon. La croissance française vient d’être revue à la baisse, Donald Trump s’apprête à faire volte-face sur les droits de douane, le président ukrainien s’inquiète des frappes russes dans l’est de son pays, mais le tumulte du monde semble tout à coup s’être arrêté aux portes du bureau de François Bayrou. Il attrape la copie d’une page du quotidien L’Eclair du 2 mai 1936 qu’on lui glisse sous les yeux. Un rapide coup d’œil sur la photo illustrant l’article suffit. « En effet, c’est lui. J’ai l’original de la photo chez moi. Candidat aux législatives contre Léon Blum. »
Lui, c’est Lucien Bayrou (1883-1949), le grand-oncle paternel. Le premier ministre a hérité du prénom à sa naissance, en 1951, après ceux de son grand-père, d’un oncle et d’un autre grand-oncle : « François, René, Jean, Lucien Bayrou ». Lucien, c’est l’intello de la famille, le premier à faire des études, l’aventurier de leur fief de Bordères (Pyrénées-Atlantiques), près de Pau, et le plus politique de tous. Mais jamais cité par le fondateur du MoDem, qui se flatte pourtant de savoir remonter les branches de son arbre généalogique jusqu’au XVIIIe siècle, et croit aux correspondances invisibles entre les âmes des vivants et celles des morts.
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