Livre. En ce printemps, les Presses de Sciences Po lancent, dans le sillage de plusieurs maisons d’édition, une collection de petits livres d’intervention signés par des intellectuels. Dirigée par la philosophe Julie Saada, « Penser avec » invitera des chercheurs en sciences humaines à proposer, dans des ouvrages de 72 pages, un regard critique sur le monde contemporain. A l’heure de la dénonciation du « droit-de-l’hommisme », le premier titre de cette collection – Les droits de l’homme sont-ils néolibéraux ? (72 pages, 10 euros)se demande si ces droits peuvent encore constituer des leviers en faveur de la justice sociale.

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Danièle Lochak, Christian Nadeau, Pablo Gilabert et Julie Saada partent d’un constat difficilement contestable : dans un monde où l’illibéralisme progresse à grands pas, les droits de l’homme sont disqualifiés, voire vertement critiqués. Cette dénonciation était, depuis fort longtemps, au cœur du discours des mouvements antidémocratiques, mais elle s’exerce désormais « au nom de la démocratie, au nom d’un projet égalitaire, bref, au nom d’un idéal de justice que ces droits, non seulement ne satisferaient pas, mais auxquels ils feraient obstacle », constate Julie Saada. C’est aux seconds, et non aux premiers, que s’adressent les auteurs du livre.

Plus vastes que les « libertés individuelles »

Qu’ils soient juriste, comme Danièle Lochak, ou philosophes politiques, comme Pablo Gilabert, Christian Nadeau et Julie Saada, tous retracent la généalogie intellectuelle de cette critique dite « démocratique ». Karl Marx ouvre le bal, au milieu du XIXe siècle, en affirmant que les droits humains sacrent « l’homme égoïste, l’[individu] séparé de sa communauté, uniquement préoccupé de son intérêt personnel ». Un siècle et demi plus tard, des auteurs comme Marcel Gauchet voit dans « l’idéologie des droits de l’homme » le fruit d’une « vision néolibérale » qui « lit la vie collective pratique à partir de l’individu abstrait ».

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