Le sentiment de crise perpétuelle qui domine depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin est révélateur, plus que d’une prétendue irresponsabilité du personnel politique – président compris –, d’un déséquilibre structurel propre à la Ve République.

Les partis si opposés qui ont voté la censure du gouvernement Barnier se sont défendus du reproche qu’on leur faisait – être la cause d’une crise institutionnelle grave – en renvoyant à la faute originelle qu’aurait commise Emmanuel Macron en refusant de nommer un premier ministre issu du parti ou de la coalition ayant remporté les élections législatives. Celui-ci pourtant a agi en conformité avec l’article 8 de la Constitution, qui ne lui impose aucune obligation sinon celle, impliquée par les articles 49 et 50, de trouver un nom qui ne retienne pas immédiatement contre lui la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale.

Quel que soit le ressentiment que puisse concentrer sur lui Emmanuel Macron, il faut cependant comprendre que le problème qui se révèle depuis la dissolution n’est pas individuel, mais structurel. Notre Constitution fait en effet du président un arbitre, mais un arbitre qui peut jouer son propre jeu. C’est là ce qui distingue notre pays parmi tous ceux qui se sont dotés d’un régime parlementaire – et là ce qui fait la fragilité fondamentale de la Ve République.

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Le régime parlementaire se caractérise par l’existence d’une responsabilité du gouvernement devant la représentation nationale, et se traduit habituellement par une dissociation entre les fonctions de chef de l’Etat, censé incarner l’unité de la nation, et celles de chef du gouvernement, qui a vocation à mettre en œuvre les orientations politiques voulues par les électeurs – telles au moins qu’on peut les déduire de la composition du Parlement.

Ambiguïté renforcée

De ce fait, le chef de l’Etat, soit que le cours de l’histoire, comme au Royaume-Uni, l’ait mené à ce point, soit que la Constitution, en Allemagne ou en Italie par exemple, restreigne ainsi ses pouvoirs, représente parmi les organes de l’Etat un « pouvoir neutre », selon les mots de Benjamin Constant (1767-1830) : dans un régime cherchant à prévenir le despotisme par la limitation réciproque des pouvoirs, il lui revient de veiller à ce que la mécanique institutionnelle ne se grippe pas et à ce que chaque ressort du mécanisme demeure à sa place.

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