La revue des revues. Le paysage est un objet hybride, à la fois territoire matériel et espace rêvé, étendue de nature et fait culturel. Cette dualité est au cœur de la revue Les Carnets du paysage, une coédition Actes Sud-Ecole nationale supérieure de paysage qui, depuis 1998, propose une exploration extensive des réalisations, des idées, des œuvres et des projets consacrés au paysage, en France et à l’étranger.

Pour son quarante-cinquième numéro, c’est Frederick Law Olmsted (1822-1903), concepteur de Central Park, à New York, aux côtés de Calvert Vaux, qui est mis à l’honneur. Homme d’un siècle de bouleversements, il multiplie les projets de parcs, d’avenues et de quartiers résidentiels pour renouveler les paysages des métropoles d’Amérique du Nord.

Mais Olmsted était avant tout un « architecte du paysage », activité « qui relevait aussi bien de la planification, du génie écologique que de l’ingénierie sociale », analyse le paysagiste Alexis Pernet. Pour lui, le paysage permet « d’influer sur le psychisme de la personne sans que celle-ci en soit forcément consciente », explique ainsi Catherine Maumi, professeure en histoire et cultures architecturales et qui a participé à la diffusion de l’œuvre de l’Américain auprès d’un lectorat francophone.

L’« impermanence » des paysages

Ce volume s’attarde aussi sur le contexte historique dans lequel Olmsted développe sa pensée de l’architecture paysagère. Profondément liée au courant de l’hygiénisme, son œuvre laisse une grande place aux enjeux de salubrité, d’aménagement urbain et de flux de transport – avec des conséquences sociopolitiques parfois critiquables. Aux Etats-Unis, « l’architecture du paysage est liée à l’histoire de l’esclavage », rappelle ainsi l’historienne Sonja Dümpelmann.

Dans cet article passionnant, elle explique que la pensée et l’entretien des paysages – les plantations, par exemple – étaient surtout effectués par des esclaves noirs au XIXe siècle. En développant des formations « d’architecture du paysage », Olmsted a participé à en exclure les populations noires et indigènes puisque le « jardinage » était désormais classé « dans la catégorie des beaux-arts et réservé à une élite ».

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En plus de cette large rétrospective, la revue présente des projets artistiques et scientifiques contemporains qui posent d’autres regards sur l’identité du paysage. Une équipe de chercheurs explore ainsi leur « impermanence », à travers des photographies de l’archipel du Svalbard, situé dans l’Arctique, où l’environnement se transforme sous l’action conjuguée du réchauffement climatique ainsi que de l’exploitation minière et pétrolière. De même, le philosophe Guillaume Monsaingeon propose un entretien avec Nicolas Porte, « repéreur » pour des films, qui cherche à réconcilier le paysage rêvé du réalisateur et le paysage réel du territoire, afin d’atteindre la « convergence des imaginaires ».

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