En 1984 étaient créés les centres de rétention administrative (CRA), conçus pour maintenir dans un lieu fermé les étrangers faisant l’objet d’une décision d’éloignement, dans l’attente de leur renvoi forcé. Quarante ans après, on ne peut que constater qu’ils sont devenus l’un des rouages centraux des politiques migratoires. Les CRA se retrouvent ainsi en première ligne, et il en faut toujours plus. Plus de stigmatisation des personnes étrangères. Plus de construction de nouveaux CRA et de locaux de rétention administrative. Toujours plus de procédures expéditives, et donc d’atteintes aux droits. Plus d’enfermements de personnes malades ou vulnérables, de séparations de familles ; plus d’expulsions de personnes vers des pays où elles risquent leur vie.
Qui, aujourd’hui, pour questionner ces obsessions, devenues autant de fausses évidences ? Qui pour rappeler que l’on peut être enfermé dans un CRA sur le seul fondement de ne pas avoir de papiers – et ce, parfois par la faute même de l’administration, tant l’accès aux procédures se complexifie ? Qui pour alerter sur ces expulsions fondées sur des procédures incompréhensibles pour les personnes retenues ? Qui pour dénoncer que les orientations gouvernementales se traduisent par un véritable détournement de la rétention, aujourd’hui utilisée comme outil de politique sécuritaire, y compris pour des personnes n’ayant pas de parcours pénal ou pour lesquelles l’expulsion est manifestement impossible ? Qui, enfin, pour rappeler qu’allonger la durée de rétention n’augmentera pas les expulsions, qu’enfermer et précariser les uns n’a jamais amélioré la situation des autres ?
Fort heureusement, des voix continuent de s’élever dans un débat public oscillant trop souvent entre l’indifférence et les propos les plus nauséabonds. Les voix des personnes étrangères elles-mêmes, quand on veut bien les écouter ; les voix des autorités administratives indépendantes, comme la Défenseure des droits ou la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, qui pointent manquements et indignités ; celles de médias ou de responsables politiques utilisant régulièrement leur droit de visite dans ces lieux d’enfermement. Entendons ces voix de citoyennes, de citoyens et d’organisations de la société civile. Ecoutons notamment celles des associations qui interviennent aujourd’hui dans les CRA pour y exercer une mission primordiale d’aide à l’exercice des droits des personnes enfermées, témoignant ainsi de la réalité de ce qu’il se passe véritablement dans ces lieux.
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