Tels des cordonniers du droit, les avocats sont bien mal protégés lorsqu’il s’agit de dénoncer les manquements déontologiques de leurs pairs. A tel point que nombre d’entre eux n’osent pas signaler à l’ordre des avocats les manquements qu’ils subissent, d’autant plus lorsqu’il est question de harcèlement ou de discrimination, un constat hélas ancien et toujours d’actualité.

Lorsque certains osent dénoncer, en dépit du risque de représailles sur leur carrière, le calvaire procédural commence. Harcèlement, sexisme, discrimination liée au genre ou au fait d’être enceinte, violences sexuelles… Peu importe la nature des faits signalés, la conséquence reste la même : les avocats plaignants sont tenus à l’écart de la procédure menée par l’ordre, comme si cette dernière ne les concernait pas. Les textes applicables étant imprécis sur leur statut, la qualité et les droits d’une « partie » leur sont déniés.

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Les conséquences sont de taille : lors de l’enquête déontologique puis disciplinaire, les avocats plaignants n’ont jamais accès au dossier, contrairement au mis en cause qui en dispose dans son intégralité. Ils ignorent tout de la défense de ce dernier et des pièces qu’il a produites. Ils ne peuvent ni formuler d’observations ni prendre connaissance des éléments de preuve et témoignages recueillis par les instances ordinales. Là où le mis en cause peut désigner un avocat pour se défendre, les plaignants sont contraints de se présenter seuls aux auditions. En cas de confrontation, ils sont sommés de répondre, là encore seuls, aux questions de l’avocat qu’ils ont mis en cause et de son conseil, voire de ses conseils.

Le jour de l’audience disciplinaire, point d’orgue de cette procédure, les plaignants peuvent être exclus des débats sur simple demande formulée par le mis en cause. Ce huis clos inédit et discrétionnaire, auquel les plaignants eux-mêmes n’ont pas droit et auquel ils ne peuvent s’opposer, peut permettre au mis en cause de se défendre sans être contredit.

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