Qu’y a-t-il de commun entre Amazon, Ubisoft, Publicis, Black Tiger et Wopilo ? A peu près rien, hormis le télétravail, sur lequel le géant américain de l’e-commerce a jeté l’opprobre en annonçant, en septembre, le retour à 100 % en présentiel des 300 000 employés administratifs du groupe à partir de 2025. De quoi inquiéter tous les salariés français qui, depuis la pandémie de 2020, ont intégré le télétravail dans leur mode d’organisation. « Les salariés ne se sont pas vraiment battus pour. Le Covid a forcé le patronat sur le sujet, mais c’est un acquis social », pointe Marc Rutschlé, le délégué syndical de Solidaires informatique d’Ubisoft.

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Le 15 octobre, 700 salariés du numéro un français du jeu vidéo se sont mis en grève à Paris, Lyon, Montpellier et Annecy pour s’opposer à la nouvelle obligation de revenir au bureau au moins trois jours par semaine. D’un point de vue purement juridique, « il n’y a pas de droit acquis au télétravail. Il s’agit d’une organisation collective qui n’est pas irréversible », précise Anne Vincent, avocate associée du cabinet Voltaire Avocats. Mais pour le syndicaliste, comme pour les télétravailleurs qui l’ont clamé en 2023, « les salariés doivent avoir le choix ».

Il y a un an déjà, la question du retour au bureau s’était posée, lorsque s’est amorcé un vaste mouvement de régulation du télétravail à l’occasion du renouvellement des accords signés pendant la pandémie. C’était alors Publicis et Google qui avaient restreint le travail à distance. Et même – quel paradoxe ! – Zoom, le chef d’orchestre des visioconférences, leur avait emboîté le pas. Le mouvement se poursuit aujourd’hui. Ceux qui s’étaient contentés d’une charte unilatérale, comme Ubisoft, en profitent pour ouvrir des négociations afin de graver la nouvelle donne dans un accord.

Pas de réaction du marché financier

Mais pourquoi restreindre à nouveau ce mode d’organisation, toujours plébiscité par les salariés ? La dernière édition du Global Survey of Working Arrangements, publiée en octobre, estime que le télétravail concernerait entre 30 % et 40 % des actifs en France en 2023, précisément 33,5 % selon Eurostat. Et que certains seraient prêts à échanger 5 % de leur salaire contre deux ou trois jours de télétravail par semaine.

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L’impact sur la productivité n’est ni évident ni uniforme. Si des études américaines, présentées lors de la conférence sur le télétravail qui s’est tenue à l’université Stanford du 9 au 11 octobre, estiment entre 10 % et 20 % la perte de productivité des salariés qui sont à 100 % en télétravail, elles démontrent aussi que le retour au bureau n’est pas indolore. « Une politique de retour au bureau trop stricte peut entraîner une baisse de la rétention des employés [c’est-à-dire des départs] ou nécessiter des salaires plus élevés, une politique trop souple pourrait nuire à la productivité », notent les chercheurs. Pour leur étude « Déterminants et conséquences des politiques de retour au bureau », Sean Flynn (université Cornell), Andra Ghent et Vasudha Nair (université de l’Utah) ont analysé plus de 900 groupes cotés en Bourse : le marché financier ne réagit pas aux annonces de fin du télétravail. « Ce qui peut indiquer qu’il n’y a pas de consensus parmi les investisseurs sur le sujet », concluent les universitaires.

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