Du jésuite argentin Jorge Mario Bergoglio, « pape du bout du monde », au nouveau pape Léon XIV, augustinien et « made in USA », la papauté se déplace vers le Nord et se fait panaméricaine. De nos jours, les Eglises catholiques d’Afrique et d’Asie occupent une place plus importante que jamais à la table du catholicisme mondial, mais la papauté demeure bien une affaire transatlantique.

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Si les Etats-Unis ne sont plus la superpuissance mondiale qu’ils étaient au XXe siècle, ils restent une superpuissance catholique – et pas seulement sur le plan financier. Le monde catholique anglo-américain semblait marginalisé par le pontificat du pape François. Reste qu’il a accouché du premier pape originaire des Etats-Unis. Léon XIV aura affaire à un catholicisme américain différent de celui du Chicago qui l’a vu naître, qui n’existe plus sociologiquement ni politiquement. Il n’aura pas face à lui le catholicisme des Kennedy ni même celui de Joe Biden, mais celui, arrivé à la Maison Blanche, de Donald Trump et de son vice-président, J. D. Vance.

Aujourd’hui, un pape augustinien succède à un pape jésuite. L’augustinisme, en comparaison de la théologie jésuite, propose une interprétation plus complexe et dialectique de la modernité et de la laïcité – comme en témoigne La Cité de Dieu, que saint Augustin rédigea dans un monde bouleversé par la chute de l’Empire romain. Et saint Augustin constitue la figure-clé de la théologie contemporaine, en particulier dans le catholicisme anglo-américain. Aussi ce choix d’un pape augustinien envoie-t-il un message politique fort aux Etats-Unis d’aujourd’hui, où le national-populisme, nourri d’intégrisme catholique, a remplacé le protestantisme dans les cercles du pouvoir.

Une réponse subtile à Donald Trump

Il y a quelques semaines à peine, le 3 février, le futur Léon XIV critiquait ouvertement le vice-président, J. D. Vance, lequel avait proposé une lecture réductrice et discriminatoire de l’ordre de l’amour de saint Thomas d’Aquin pour justifier l’exclusion de ceux qui ne font pas partie de la communauté familiale, locale et nationale : « J. D. Vance se trompe : Jésus ne nous demande pas d’établir une hiérarchie dans les personnes à qui nous témoignons notre amour », écrivait sur les réseaux sociaux celui qui était alors le cardinal Prevost. Du point de vue religieux, il livre là une interprétation aux antipodes de celle de la Maison Blanche, qui s’inscrit non seulement dans la tradition du catholicisme social, mais aussi dans la lignée de saint Augustin.

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