Anaël Marrec, historienne des techniques au Centre François-Viète (Nantes Université), est spécialiste des alternatives et des conflits énergétiques contemporains.

A quand remontent les débuts de l’énergie solaire ?

A la fin du XIXe siècle. L’énergie solaire trouve ses premières applications comme moteur dans un contexte d’industrialisation et d’expansion coloniale. Tout au long du XIXe siècle, les puissances industrielles ont conscience que le charbon va s’épuiser. Dans certaines colonies où le charbon est absent et le soleil abondant, des ingénieurs vont alors tester des machines solaires. En Algérie, Augustin Mouchot expérimente des moteurs de 1877 à 1880 grâce au soutien du gouvernement français. En 1890, Charles Tellier, prône une « conquête pacifique de l’Afrique occidentale par le soleil ». De telles expérimentations sont aussi menées dans l’Empire britannique – en Inde dans les années 1880, en Egypte au début du XXe siècle.

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Les révolutions énergétiques sont indissociables de transformations sociétales profondes. Comment cela a-t-il commencé ?

Le charbon, justement, a opéré une rupture cruciale. Cette substance n’est rien d’autre que de l’énergie solaire stockée dans les sous-sols, grâce à des millénaires de fossilisation des matières végétales. Au Royaume-Uni, à l’époque victorienne, elle a été libérée en un temps restreint pour actionner les machines, permettant la montée en puissance de l’empire. Dès lors, la production d’énergie est devenue un impératif civilisationnel. Les élites de ces pays ont développé une obsession pour ce combustible, qui a fini par dominer les bilans énergétiques. Il a marqué les imaginaires et les paysages avec les mines, chemins de fer, usines centralisées, les pollutions. A partir de la fin du XIXe siècle, l’électricité et le pétrole façonnent d’autres rapports à l’énergie, fondés sur l’organisation des flux dans les grands réseaux. Mais le phénomène est cumulatif : le fait d’utiliser l’électricité et le pétrole ne s’est aucunement traduit par un renoncement au charbon.

Comment s’inscrit la révolution du solaire au regard de cette histoire des énergies ?

L’énergie solaire offre la possibilité d’une énergie non fossile à l’heure de la crise climatique. Mais elle ne porte pas en elle-même un projet politique ni une organisation socio-économique. Sans remise en question de la croissance énergétique, l’industrie solaire ne fera que poursuivre la trajectoire extractive de l’économie fossile. Rappelons que le premier moteur solaire était une machine à vapeur de substitution, elle s’inscrit donc en premier lieu dans l’imaginaire fossile et en l’occurrence, colonial.

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