Il y a quelques jours, nous apprenions la disparition définitive d’un petit échassier des zones humides, le courlis à bec grêle (Numenius tenuirostris, de son joli nom scientifique), dont l’aire de répartition très vaste s’étendait des zones humides côtières du Moyen-Orient aux steppes humides de Russie centrale. Première extinction d’une espèce continentale d’oiseau en Europe, liée probablement au drainage intensif des zones humides pour l’agriculture, aggravée par la chasse dont le petit limicole a subi la pression.

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Mais qui se soucie encore de ce petit oiseau à bec grêle ? Certes pas la cohorte des illuminés de la tech qui ont fait de l’intelligence artificielle leur nouvel eldorado ; moins encore les Bezos, Musk ou Zuckerberg, ces nouveaux prométhéens rêvant de terraformer Mars ou Vénus ou de remplacer l’homme par des robots intelligents. Plusieurs milliers d’espèces sont déjà considérées comme menacées, certaines en déclin, d’autres frôlant dangereusement l’extinction.

Parmi elles, plus de 6 000 espèces sont reconnues comme « en danger critique » et 873 sont désormais totalement éteintes mais on continue à regarder ailleurs vers l’horizon non négociable de la croissance. « Dans la sphère politique en place, alerte le philosophe Dominique Bourg, y compris chez une partie des Verts, personne ne veut admettre que le maintien de la croissance entraîne inéluctablement la destruction des conditions d’habitabilité de la Terre. »

Modèle de prédation

A cet égard, le débat budgétaire en France est proprement ahurissant. Tandis que les scientifiques, les chercheurs, les naturalistes nous alertent sur la possibilité d’un effondrement de la civilisation industrielle, dont la disparition tragique du courlis à bec grêle est une manifestation parmi d’autres, l’aveuglement des politiques et des acteurs économiques est proprement suicidaire. Tout converge déjà vers une planète partiellement inhabitable, des sols dégradés perdant leur qualité nutritive, des forêts calcinées, des chaleurs humides, des glaciers qui reculent ou disparaissent, mais la pensée dominante, qui se réfère à des croyances et à des représentions datant d’une autre époque, continue de promouvoir un modèle centré sur la croissance et donc sur la prédation des ressources énergétiques et matérielles, la hausse inexorable des émissions de gaz à effet de serre et la sixième extinction des espèces.

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