Décidée lundi 2 décembre par Marine Le Pen, acquise deux jours plus tard à une confortable majorité de 331 voix, la chute du gouvernement Barnier est un nouveau symptôme de la profonde crise que traverse le pays. En choisissant, sans la moindre vergogne, de mêler ses voix à celles de la gauche en réaction au déclenchement de l’article 49.3 sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, la cheffe du groupe parlementaire Rassemblement national (RN) a démontré qu’elle avait pouvoir de vie et de mort sur un gouvernement qui avait été laborieusement constitué à peine trois mois plus tôt pour tenter de remettre de l’ordre dans les comptes publics.

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Les ultimes appels à la responsabilité lancés mercredi soir par Michel Barnier, en direction notamment des socialistes, qui, à l’instar de François Hollande, ont massivement voté la censure, n’y auront rien fait. La France s’installe dans l’instabilité, au moment où la conjoncture économique s’assombrit et où l’environnement international se durcit. Contrairement à ce que prétendent les pyromanes qui se targuent d’avoir voulu protéger les Français de décisions injustes, la censure aura un coût, y compris pour les plus modestes. Le déficit public est toujours hors de contrôle, les taux d’intérêt se tendent, la charge de la dette augmente.

Une défiance vive

La véritable cible de la censure n’est pas Michel Barnier mais Emmanuel Macron. LFI milite ouvertement pour sa destitution, l’extrême droite choisit le lasso, promettant de « coconstruire » avec le futur gouvernement sans pour autant lui assurer longue vie. Le chef de l’Etat n’en finit pas de payer et de faire payer au pays la désastreuse dissolution de l’Assemblée nationale, au mois de juin, qui s’est soldée par une majorité introuvable, trois blocs incapables de s’entendre et le sentiment de nombreux électeurs d’avoir été démocratiquement floués lors de l’interminable désignation du premier ministre. Le risque que la crise politique dégénère en crise institutionnelle est désormais réel, tant est vive la défiance à l’égard du président de la République, mais aussi des parlementaires, accusés collectivement d’impuissance.

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L’échec du gouvernement Barnier reflète la difficulté du pays à basculer dans une culture de compromis, alors que l’Assemblée nationale est figée dans ses équilibres actuels au moins jusqu’en juin, date à laquelle s’ouvrira la possibilité d’une nouvelle dissolution. D’ici là, deux dangers sont à conjurer : le blocage, conjugué à l’emprise croissante de l’extrême droite.

La facilité avec laquelle Marine Le Pen a eu raison du « socle commun » composé de partis rivaux et mal arrimés, Les Républicains (LR) d’un côté, l’archipel du centre de l’autre, est la démonstration implacable que tant que la gauche, dans sa totalité, se situera ou sera maintenue dans l’opposition, le RN sera assuré de mener la danse. Pour le contrer, il est de la responsabilité d’Emmanuel Macron d’ouvrir enfin le jeu. Une fenêtre s’est opportunément ouverte, des voix s’élèvent au Parti socialiste et chez Les Ecologistes pour tenter de faire émerger un pacte de non-censure, à rebours du blocage pratiqué par Jean-Luc Mélenchon. Il faut les entendre et les valoriser.

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Une coalition n’a de chance de tenir que si un accord préalable entre les parties est conclu. Plus elles sont nombreuses, plus s’accorder est délicat. Cela demanderait du temps alors que le pays n’a plus le luxe d’attendre. A gauche, au centre, à droite, chacun est mis au pied du mur, sans possibilité de défausse.

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Le Monde

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