Ils sont devenus une figure à part entière du monde du travail contemporain : ceux qu’on appelle les « déserteurs » ou encore les « bifurqueurs ». Il s’agit de jeunes diplômés des grandes écoles, vainqueurs de la compétition scolaire, qui tournent le dos à de futures carrières confortables. Souvent issus de familles aisées, ces bons élèves lâchent tout pour s’établir dans des métiers moins rémunérateurs, hors des grandes villes. D’autres décident de ralentir le rythme et de se libérer des injonctions de réussite professionnelle. Tous interrogent les logiques de surtravail et d’aliénation professionnelle.

Mais ce refus de la performance, tout comme celui de l’ascension et des honneurs bourgeois sont loin de n’être qu’une histoire de classes supérieures. « Si la désertion d’une petite frange de nos élites est un événement, elle masque trop souvent la désertion d’en bas, moins flamboyante mais parfois plus héroïque, des membres de classes laborieuses », vient rappeler le sociologue de formation Nicolas Framont, auteur de Vous ne détestez pas le lundi, vous détestez la domination au travail (Les liens qui libèrent, 2024).

Parmi ces gestes audacieux, il met en avant la foisonnante histoire du sabotage, cette pratique de résistance théorisée comme une tactique par l’anarchiste et syndicaliste Emile Pouget (1860-1931), au milieu des années 1890.

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Si on associe plus volontiers le sabotage aux sphères militaires et désormais écologistes, « il s’agit d’abord d’une pratique ouvrière », souligne l’historien Dominique Pinsolle dans Quand les travailleurs sabotaient (Agone, 2024), où il s’intéresse à l’émergence de cette stratégie revendicatrice aux XIXe et XXe siècles. Le sabotage prend parfois la forme d’une dégradation des machines destinée à enrayer la production et consiste, le plus souvent, pour les travailleurs à ralentir la cadence, à réaliser leur labeur moins efficacement ou à volontairement mal l’exécuter.

Une charge contre la société de consommation

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