Emmanuel Macron a nommé, le 9 septembre, son septième premier ministre depuis 2017, Sébastien Lecornu. Sept titulaires en huit ans : un record inédit sous la Ve République. Une performance qui porte à 13 le nombre de premiers ministres depuis l’adoption du quinquennat en 2000, un chiffre vertigineux, sans équivalent dans les démocraties libérales occidentales.

Même l’Italie, pourtant réputée pour son instabilité politique, n’a compté que 10 présidents du conseil sur la même période. L’Autriche en a vu défiler neuf, le Royaume-Uni huit, le Portugal sept, le Danemark et la Suède cinq chacun, et l’Espagne seulement quatre. Ce palmarès français, loin d’être anecdotique, dit tout d’un glissement institutionnel : celui d’un premier ministre devenu interchangeable, effacé derrière un omni-président.

Cette instabilité, trop souvent passée sous silence dans un pays persuadé que la Ve République a forgé un exécutif en granit, révèle en réalité une évolution profonde de la fonction. Certes, elle fut de tout temps inconfortable. « Rôle bâtard digne d’une Constitution bâtarde » avait, un jour, décrété le communiste Jacques Duclos [1896-1975]. De fait, la Constitution ne lui consacre que deux articles contre 15 au président et, au surplus, ses prérogatives sont traitées dans le titre III consacré au gouvernement, ce qui l’invisibilise totalement. Pour autant, il est à l’intersection de la relation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir délibérant, puisque nommé par le chef de l’Etat, et c’est devant les Assemblées qu’il est responsable.

Hypocrisie institutionnelle

Comme on le sait, cette architecture institutionnelle, aussi baroque qu’asymétrique, n’est pas née d’une réflexion théorique sur l’équilibre des pouvoirs. Elle est le fruit d’un choix personnel, presque tactique, du général de Gaulle [1890-1970], soucieux d’échapper aux contingences gouvernementales tout en gardant la main sur les grandes orientations. Dans sa vision, le premier ministre n’avait qu’un rôle de bouclier. Sa première mission ? Protéger le président. « Le premier ministre partira non parce qu’il est devenu minoritaire à l’Assemblée nationale, mais parce que son sacrifice doit servir à blanchir la tunique présidentielle », tonna-t-il en 1962.

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