L’affaire a longtemps été entendue : de la diffusion généralisée de l’éducation émergerait une démocratie enrichie, confortée par l’apport de ses citoyens éclairés. Des « hussards noirs » de la IIIe République, ces instituteurs chargés de conforter le régime contre l’obscurantisme religieux, à Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’éducation nationale de François Mitterrand s’engageant à porter jusqu’à 80 % la part d’une génération accédant au niveau du baccalauréat, l’école n’a jamais cessé d’être au cœur de la promesse centrale de la République, et singulièrement de la gauche : l’égalité des chances, autrement dit l’effacement par l’école des inégalités liées à la naissance.

Sauf que rien ne se passe plus comme prévu. En France, comme dans la plupart des pays développés, la généralisation sans précédent de l’éducation et l’élévation spectaculaire de son niveau théorique, loin d’affermir la démocratie, en accompagnent l’effritement. Le taux de bacheliers parmi une classe d’âge, qui ne dépassait pas 20 % en 1970, a atteint 60 % en 1995 et frôle ou dépasse aujourd’hui 80 % ; le nombre d’étudiants a presque doublé depuis les années 1980.

Pourtant, les nouvelles générations, davantage diplômées que les précédentes, votent moins. Pourtant, la proportion de jeunes qui ne croient pas que l’être humain a été façonné par l’évolution des espèces est plus forte que chez les seniors (selon un sondage IFOP pour la Fondation Reboot et la Fondation Jean Jaurès) et 20 % des 11-24 ans sont persuadés que les Américains ne sont jamais allés sur la Lune. Alors que la scolarisation n’a jamais été aussi massive, les démagogues ont le vent en poupe, à l’image de Donald Trump, président élu américain, Viktor Orban, premier ministre hongrois, en passant par l’AfD allemande ou Marine Le Pen. Le populisme est aussi une crise de l’éducation.

Vainqueurs contre vaincus

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