Pour Oxfam France, l’association qui lutte contre la pauvreté et les inégalités, le pacte Dutreil est « le cas emblématique d’une niche fiscale bénéficiant aux transmissions des ultrariches ». Ce dispositif permet aux héritiers ou donataires de parts ou d’actions d’une entreprise – le plus souvent les enfants du chef d’entreprise – de bénéficier d’une exonération partielle des droits de succession ou de donation, grâce à un abattement de 75 % applicable sur la valeur des titres.

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En cas de donation – mais pas de transmission par décès –, une fois l’abattement déduit et les droits calculés, le montant de ces derniers peut être réduit de moitié si la donation est consentie en pleine propriété avant les 70 ans du donateur. Ce qui permet de ramener le coût de la donation d’une entreprise à ses enfants à moins de 5 % de sa valeur, malgré le barème progressif des droits de donation en ligne directe dont le taux maximum atteint 45 % au-delà de 1,8 million d’euros par part taxable transmise.

Conséquence ? Le recours au pacte Dutreil a fortement augmenté depuis une quinzaine d’années. Plus de 2 000 pactes ont été signés chaque année sur la période 2018-2020, près de 3 000 en 2021 et 2022.

« Jackpot fiscal »

Ce dispositif avait été créé à l’origine pour éviter que les héritiers d’un chef d’entreprise soient contraints de prélever des sommes excessives sur l’entreprise, sous forme de dividendes, pour payer les droits de succession ou de la vendre, dans un contexte croissant d’acquisition des petites et moyennes entreprises (PME) françaises par des groupes ou fonds étrangers. Mais, aujourd’hui, 91 % des pactes sont signés du vivant du chef d’entreprise dans le cadre d’une donation des titres de l’entreprise aux enfants.

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Le pacte Dutreil n’est pas réservé aux PME. Il peut profiter à toutes les entreprises quelle que soit leur taille. D’après le rapport « Super-héritages. Le jackpot fiscal des ultrariches », d’Oxfam, publié le 17 septembre, « entre 2018 et 2019, 40 % du montant transmis via des pactes Dutreil concernerait des pactoles de plus de 60 millions d’euros ».

Dès septembre 2023, dans le cadre d’une mission d’information relative à la fiscalité du patrimoine, les députés Jean-Paul Mattei (MoDem, Pyrénées-Atlantiques) et Nicolas Sansu (Parti communiste français, Cher) s’étaient, eux aussi, inquiétés de cette montée en puissance des pactes Dutreil « donation ». Tout en reconnaissant que cette évolution correspondait sans aucun doute à l’objectif du législateur, qui était de faciliter les transmissions anticipées, leur rapport interrogeait le fait de savoir si elle ne constituait pas « un indice d’optimisation fiscale, dans le cadre de stratégies de planification successorales par les actionnaires familiaux d’entreprise, n’ayant plus la poursuite durable de l’activité de l’entreprise comme objectif principal ».

Cet article a été réalisé dans le cadre des Rencontres de la fiscalité, un événement organisé par Le Monde et Le Cercle des fiscalistes, et avec le soutien de KL Conseil, qui aura lieu à partir de 18 h 30, le 5 novembre, à l’auditorium du Monde. Accès gratuit sur inscription.

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