Après en avoir perdu le contrôle opérationnel, le géant français de l’uranium Orano (ex-Areva) voit sa filiale Somaïr au Niger lui échapper totalement après l’annonce, jeudi 19 juin, par le régime militaire de Niamey de sa nationalisation.

« Face au comportement irresponsable, illégal et déloyal d’Orano, société détenue par l’Etat français, un Etat ouvertement hostile au Niger (…) l’Etat du Niger décide en toute souveraineté de nationaliser la Somaïr », a déclaré la télévision nationale (RTN), qui faisait le compte rendu du conseil des ministres. « Par cette nationalisation, les actions et le patrimoine de la Somaïr sont intégralement transférés en toute propriété à l’Etat du Niger », poursuit la RTN, qui précise que les détenteurs d’actions bénéficieront d’une « indemnité » de compensation.

L’exploitation de l’uranium au Niger est au centre d’un bras de fer entre la junte qui a pris le pouvoir, en 2023, à Niamey et le groupe Orano, dont le capital est détenu à plus de 90 % par l’Etat français.

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Le dossier est devenu un symbole des tensions exécrables entre la France et le régime, qui se rapproche d’autres partenaires comme la Russie ou l’Iran. Niamey accuse régulièrement Paris de vouloir le déstabiliser en « formant des terroristes », sans toutefois apporter de preuves concrètes de ces allégations. Ce pays sahélien est régulièrement confronté à des attaques djihadistes sanglantes : jeudi, 34 soldats ont été tués à Banibangou, dans l’Ouest, près de la frontière malienne.

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Sans nouvelle du directeur local

En décembre 2024, Orano avait acté la perte du contrôle opérationnel de ses trois filiales minières au Niger : la mine de Somaïr, celle de Cominak (fermée depuis 2021) et le gisement d’Imouraren. Ce dernier site est l’un des plus importants gisements d’uranium au monde, avec des réserves estimées à 200 000 tonnes, et Niamey a retiré à Orano son permis d’exploitation en juin 2024.

Mais le groupe français demeurait majoritaire à plus de 60 % dans ces filiales et a engagé « plusieurs procédures d’arbitrage international » contre l’Etat du Niger, dont la dernière remonte à fin janvier après la perte du contrôle opérationnel du site de la Somaïr.

Mi-mai, l’entreprise française se disait sans nouvelle de son directeur local après une perquisition dans les bureaux de la société par les forces de sécurité. Du matériel informatique et des téléphones portables avaient été emportés selon Orano, qui avait saisi le procureur de la République pour arrestation arbitraire et détention illégale.

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Un tournant souverainiste

Orano, qui exploitait de l’uranium dans le nord du pays depuis 1971, se heurte au tournant souverainiste impulsé par la junte nigérienne arrivée au pouvoir par un putsch, il y a près de deux ans.

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Le Niger refuse, par exemple, de rouvrir sa frontière avec le Bénin, qu’il accuse de vouloir le déstabiliser. En conséquence, une quantité d’environ 1 300 tonnes de concentré d’uranium qui transitaient habituellement via le port de Cotonou est toujours bloquée sur le site de la Somaïr, pour une valeur marchande de 250 millions d’euros, selon le groupe.

Outre sa rupture avec le géant français, le régime de Niamey a également sommé des travailleurs chinois du secteur pétrolier de quitter le pays, accusant la société Cnpcnp, qui exploite l’or noir, de « mépris » des réglementations en vigueur.

Sur le plan militaire, le Niger a chassé les soldats français et américains engagés dans la lutte antidjihadiste de son sol, et les Etats-Unis ont notamment rétrocédé leur base de drones dans le nord du pays en mars 2024.

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Le Monde avec AFP

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