Le naturisme mis à nu… Familial, utopiste, dansant, anar, hygiéniste, le mouvement est des plus éclectiques, notamment en France, qui serait la première destination touristique au monde pour ses adeptes. Voilà un excellent prétexte à l’exposition que lui dédie cet été, et jusqu’à début décembre, le Mucem, à Marseille. Où l’on apprend, au gré d’une foultitude de corps en tenue d’Eve et d’Adam, que le naturisme nourrit bien d’autres rêves que de se mettre dans le plus simple appareil. Du Cap d’Agde, sur la côte méditerranéenne, à Physiopolis, près de Paris, autrefois « île des naturistes » autoproclamée, se dessine une véritable nébuleuse des aficionados de la nudité.

Les racines du mouvement remontent au début du XXsiècle. Industrialisation, pollution, urbanisation : certains esprits originaux s’insurgent et prônent un retour à un état de nature considéré comme idéal. L’Allemagne, mais aussi les pays de langue allemande, comme l’Autriche et la Suisse, sont séduits par le concept de Lebensreform. Un désir de « réformer la vie » qui entraîne quelques militants à créer des communautés libertaires, portées par la Nacktkultur.

Cette « culture de la nudité » chante les plaisirs d’un corps libre, qui renoue avec un éden oublié. Pionnières du mouvement, les avant‑gardes artistiques, expressionnistes en tête. Sur les hauteurs ­d’Ascona, en Suisse, Monte Verita est l’un des premiers de ces paradis retrouvés. Durant les trois premières décennies du XXsiècle, il attire banquiers et bourgeois en rupture de ban, mais aussi danseurs et peintres.

Utopie hygiéniste

La tendance s’étend bientôt en France, d’abord dans des lieux clos, îles ou châteaux privés. « Ce qui est intéressant avec l’histoire des naturismes en France, c’est qu’elle s’est construite entre les deux guerres, dans un pays où la nudité était marquée par la honte et la censure, contrairement à l’Allemagne », indique Amélie Lavin, co-commissaire de l’exposition avec, entre autres, le philosophe Bernard Andrieu et Jean‑Pierre Blanc, directeur de la Villa Noailles, à Hyères (Var).

Le corps médical n’est alors pas en reste. Nombre de médecins naturistes français appellent au dévoilement des corps, célébrant les bienfaits pour la santé des bains d’air, des séances d’héliothérapie, des soins par les plantes. Pas de viande, pas d’alcool, gym à gogo : le nudisme n’est qu’une des composantes de cette utopie hygiéniste.

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Sous le soleil, la communauté des naturistes grandit. De Jacques‑Henri Lartigue à Man Ray, elle attire les photographes désireux de sortir le nu de son académisme. Dans les années 1950, la pratique se popularise. Cerné de trois mers et fort de son climat tempéré, l’Hexagone en devient le paradis. La Fédération française de naturisme structure les plus prosélytes, des Clubs du Soleil naissent, du Sparta‑Club à Chambourcy (Yvelines) au Centre héliomarin de Montalivet (Gironde). Tous ont pour modèle l’île du Levant, au large d’Hyères.

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