Comment ne pas se féliciter des 13 nominations aux Oscars pour Emilia Perez, de l’immense Jacques Audiard ? Du jamais-vu pour un film français ni pour aucun autre film étranger, quelques mois après la liesse cinématographique offerte par Anatomie d’une chute, de Justine Triet. Mais, alors que le cinéma français est au sommet, il connaît dans le même temps l’une des heures les plus graves de son histoire.

Si notre septième art brille alors que tous les cinémas européens ont quasiment disparu, c’est grâce à tous les talents qui l’ont façonné depuis les frères Lumière, et sous l’effet d’une alliance inédite entre les auteurs, les créateurs, les producteurs, les distributeurs, les exploitants, les pouvoirs publics et les groupes audiovisuels. A tel point que l’on peut aujourd’hui parler d’une véritable exception cinématographique française, fondée sur trois atouts-clés.

Notre premier atout est une mécanique de financement robuste s’appuyant sur deux alliés financiers de taille. D’une part le Centre national du cinéma et de l’image animée et d’autre part Canal+, né en 1984 sur le fondement d’une vision culturelle plaçant le cinéma français au cœur de son projet.

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Canal+ et sa filiale StudioCanal contribuent davantage au cinéma français et européen que tous les autres acteurs réunis. En 2024, Canal+ a préacheté – c’est-à-dire financé sur simple lecture du scénario – plus de 130 films pour un montant de 220 millions d’euros auprès de près de 120 sociétés de production indépendantes. Quarante-cinq films n’auraient pas pu voir le jour sans ce soutien exclusif de Canal+. Il n’existe tout simplement pas un autre acteur dans le monde contribuant autant, à lui seul, au financement du cinéma domestique.

Risque d’effondrement

Le deuxième atout, la chronologie des médias (qu’il serait temps de rebaptiser la « chronologie du cinéma »), est une mécanique aussi vertueuse que sophistiquée qui régule l’ordre et les durées d’exploitation des films après leur sortie en salle. Son principe est simple : plus un acteur investit dans le cinéma français et européen en pourcentage de son chiffre d’affaires en France, plus tôt il peut diffuser tous les films, français et étrangers, sortis en salle. Ainsi, un film est disponible six mois après sa sortie pour une première diffusion en télévision payante, quinze mois sur les plateformes par abonnement et vingt-deux mois sur les chaînes gratuites. Ce circuit de diffusion préserve le parc de salles de cinéma et conforte le système, chaque acteur contribuant au financement des films qu’il exploite dans sa fenêtre de diffusion.

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