Quel était le visage d’Œdipe ? Ou celui d’Antigone, d’Electre, de Clytemnestre ? Mystère. On peut même dire que ce mystère s’est épaissi avec le temps. Seule certitude : ce visage était un masque. Mais à quoi ressemblait-il ? On n’en sait rien, ou presque. Ecrire sur le masque de la tragédie grecque, qui signe l’invention du théâtre, au Ve siècle avant J.-C., c’est mener une enquête à trous, pleine de surprises, digne de l’énigme du sphinx.
« Depuis Les Perses d’Eschyle, dont la représentation a eu lieu en 472 avant J.-C. sur les contreforts de l’Acropole à Athènes, jusqu’à la fin de l’Empire gréco-romain et l’avènement du christianisme, huit siècles plus tard, l’acteur n’a donné à voir que le masque de son personnage, affirmant par là la dimension symbolique d’une scène qui ne se voulait pas l’illusion de la réalité », explique Guy Freixe, un des grands spécialistes en France du masque de théâtre, qu’il a exploré aussi bien comme acteur, comme metteur en scène que comme universitaire. « Mais nous n’avons de ces masques que des témoignages iconographiques, des marbres sculptés, des peintures sur vases, des terres cuites trouvées dans des tombes et des répliques », précise-t-il.
Aucun masque ne nous est parvenu de la grande époque d’Eschyle, de Sophocle et d’Euripide. Autrement dit, l’image que l’on a de cet objet, le plus souvent une sculpture en terre cuite avec la bouche ouverte et des yeux exorbités, est tout simplement fausse, ou anachronique, ces masques expressionnistes appartenant à une époque bien plus tardive.
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